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Afrique du Sud, propos introductif : poids de l’histoire et richesse de la diversité

samedi 25 novembre 2017, par André-Jean

Rares sont les pays riches d’une aussi grande variété de groupes humains, porteurs d’autant d’histoires, de traditions, de cultures différentes. C’est toute une littérature qu’il faudrait parcourir pour en faire le tour. Avec cet exposé, Luc VILLENEUVE décrypte les observations du visiteur. C’est aussi une invitation au voyage, à la rencontre, et à l’approfondissement. C’est enfin la tentative de répondre au touriste curieux : cette diversité d’ethnies et de cultures, est-ce un handicap ou un atout ?

Sommaire

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Les ethnies en Afrique du Sud

La population de l’Afrique du Sud est d’environ 55 millions d’habitants (estimation 2016).

1- La population noire : deux grandes famille ethniques différentes – 80 % de la population totale

> Les bantous (environ 75 % des Sud-Africains)

Le terme Bantou - il signifierait « les humains » en kongo -, désigne un groupe linguistique présent de l’ouest du Cameroun au Kenya à l’est, jusqu’au sud de l’Afrique, qui englobe plusieurs peuples et regroupe environ 450 langues.
Choisi par un philologue allemand en 1862, il a été utilisé par le régime blanc pour désigner la population noire.
La population bantoue a ainsi été divisée en plusieurs sous-groupes qui servirent à définir les catégories juridiques de l’apartheid :
– Le groupe des Ngunis (plus de la moitié des Noirs) : notamment les Zoulous (12 M.), Xhosa, Swazi, Ndebélé.
– Le groupe des Sothos (un tiers des Noirs) : Tswana, Sotho du Nord et Sotho du Sud (une division en trois sous-groupes contestée par beaucoup d’anthropologues).
– Les Tsongas, appelées aussi Shangaans.
– Les Vendas, petit groupe isolé à la frontière du Zimbabwé.

Ces groupes ethnolinguistiques sont en partie artificiels quand on sait que plus des deux tiers du vocabulaire de leur langue leur est commun. Pour ménager les susceptibilités de chacun (largement exploitées à l’époque de l’apartheid), chaque langue a le statut de langue officielle en Afrique du Sud.
Plusieurs de ces groupes sont des créations politiques relativement récentes, tel les Swazis, population formées à la fin du XVIIIe siècle par le chef Mswazi en regroupant sous sa conduite des populations diverses. C’est aussi le cas des Zoulous (Zulus) dont la nation a été fondée dans les années 1820 par le chef Chaka.

> Les noirs non-bantous : les Khoisans → 2 groupes : les Hottentots (ou Khoïs) et les Bochimans (Bushmen en anglais) ou Sans.

Menacés d’extinction, ils ne sont plus que quelques dizaines de milliers. Ce sont les aborigènes de la terre sud-africaine, les premières populations que les Européens ont rencontrées en arrivant en
Afrique du Sud (les Bantous vivaient plus à l’Est et plus au Nord).

→ Les derniers Hottentots (ou Khoisans), ceux qui ont échappé aux maladies des Européens et au métissage, vivent aujourd’hui dans les régions désertiques des confins de la Namibie et du Botswana.

→ Les Bochimans (Bushmen) « constituent un ensemble de populations aujourd’hui dispersées à l’intérieur et sur le pourtour du désert du Kalahari, en Namibie, au Botswana, en Angola, en Zambie, au Zimbabwé et en Afrique du Sud.

Considérés comme les premiers habitants, les « peuples premiers » de l’Afrique australe, les ancêtres des Bochimans ont vraisemblablement occupé pendant plusieurs dizaines de milliers d’années les vastes territoires s’étendant du Cap au Zimbabwe. Mais loin d’être des fossiles vivants, des « reliques » issues de la préhistoire, ainsi qu’ils sont trop souvent perçus par les touristes ou dans les médias (cf. par exemple le film Les dieux sont tombés sur la tête), les Bochimans, dans leur diversité, ont une histoire faite d’adaptations
Les Sans (Bochimans) ont frôlé l’extinction, du fait de la colonisation puis de l’apartheid, après avoir vécu plusieurs milliers d’années en Afrique australe.
Le peuple San voit son avenir s’éclaircir grâce à l’acquisition de nouvelles terres à la lisière du Kalahari, où ils peuvent tirer bénéfice du tourisme et de la chasse.

2 – Les Métis qui représentent près de 4 millions de personnes (soit près de 9 % de la population)

Les immigrants étant au début essentiellement des hommes, beaucoup ont épousé leur servante. C’était l’époque où les mariages interraciaux étaient autorisés et largement pratiqués. Ainsi est née une population de Métis que plus tard les descendants des Hollandais rejetteront.

Les Métis sont le fruit de métissages des premiers immigrants européens avec les autochtones, mais aussi avec les esclaves importés par les Hollandais de leur colonie d’Insulinde (l’actuelle Indonésie). Ces derniers sont appelés les Malais du cap. Au-delà des catégories inventées par la politique de ségrégation, la population dite d’origine européenne n’est pas exempte de métissage.

Au Cap, et dans sa région, où les Métis vivent presque tous, ils ont joui du droit de vote dès le XIXe siècle et jusqu’en 1956 (quand les Afrikaners sont parvenus à supprimer ce particularisme régional). Ils ne l’ont retrouvé qu’en 1984 pour élire des représentants sans pouvoirs, puis pleinement en 1994. la plupart des Métis ont rejeté l’appellation de « coloured » (imposé par l’apartheid) et l’ont remplacée par « so called coloured » ou « Brown People ».

3 – La population blanche : 2 catégories, les Afrikaners et les blancs anglophones

Après avoir représenté environ 20 % de la population totale du pays au cours du XXe siècle, la population blanche sud africaine représente d’après le recensement de 2011, 8,9 % de l’ensemble de la population, soit 4,6 M. de personnes

Les Afrikaners entre 2,5, et 3 M. (5% de la population)

Littéralement les « Africains » en afrikaans, sont les descendants des premiers Hollandais arrivés dans la région du Cap au XVIIe siècle et des Allemands qui les ont suivis. Ils ont été rejoints par quelques centaines de familles françaises huguenotes chassées par la révocation de l’Édit de Nantes (les premiers huguenots sont arrivés au Cap en 1688).

Au début du XVIIIe, on a employé le terme Afrikaner pour parler des colons blancs nés en Afrique du Sud et les différencier ainsi des immigrants nés en Europe. Au XIXe siècle, le terme désignait les Sud-Africains de descendance hollandaise, tandis que Boer (« paysan » en hollandais, le terme deviendra péjoratif) était réservé aux Afrikaners des républiques boers : l’État libre d’Orange et la République sud-africaine (le Transvaal). Au XXe siècle, alors qu’une grande partie de la population s’était installée dans les villes, le mot Boer finit par disparaître pour laisser place à nouveau à celui d’Afrikaner. »

Les Afrikaners sont presque tous calvinistes et ont rompu leurs relations avec leur métropole respective depuis environ deux siècles donc depuis que la Hollande a vendu sa colonie du Cap à l’Angleterre en 1814.

Les Afrikaners représentaient environ 60 % de la population blanche quand l’Afrique du Sud est devenue indépendante (en 1934) ils ont assez vite, par le jeu d’une « démocratie » réservée aux seuls Blancs, pris en main les rênes du pays. C’est ainsi que 8 % de la population a dirigé l’Afrique du Sud sans partage de 1948 à 1994.

Les autres blancs, dit anglophones (« Uitlanders », étrangers selon les Afrikaners), soit 2 M de personnes environ

Ils descendent des Britanniques arrivés au XIXe siècle, des populations d’Europe centrale (Hongrie...) ou orientale (Lituanie...), notamment des juifs, qui sont arrivées à la fin du siècle et au cours du suivant. Puis, plus récemment de Grecs (aujourd’hui 90 000) ou de Portugais d’Afrique fuyant la décolonisation (200 à 600 000 selon les estimations).

4- Les Asiatiques et les Indiens
Ce sont surtout des Indiens venus des Indes à l’époque où la colonie du Cap et les Indes appartenaient au même empire britannique.

Les Indiens : environ 1 million de personnes concentré dans la province du Kwazoulou-Natal et en particulier à Durban (30 % de la population) où ils représentent plus de 40 % de la population. Très urbanisés, ils occupent localement beaucoup de postes important de la vie économique.

En provenance principalement des régions de Bombay, Calcutta et Madras, les Indiens, ils sont arrivés à la fin du XIXe siècle. Ils ont connu les politiques successives de ségrégation.

Les Chinois : quelques dizaines de mille installés depuis plusieurs générations.

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Naissance, fondements, structuration de l’idéologie afrikaner

1652 - Trois navires de la Compagnie générale des Indes orientales mouillent au Cap.
Commence alors l’histoire de la prise de possession de la terre sud africaine par les Européens.

1 – Une culture de l’exode

Les « Afrikaners » sont les descendants de colons hollandais, auxquels se joignirent des Allemands et des huguenots français qui, à partir du XVIIe siècle, vont progressivement occuper la région du cap Bonne-Espérance.
Cette première communauté qui rompt progressivement ses liens avec ses origines européennes, se développe dans la région du cap, dans le cadre d’une économie agricole, fondée sur la culture de la vigne et du blé.

Les « Trek-boers » (fermiers-nomades)
À la fin du XVIIIe siècle, sous l’effet conjugué d’une surproduction et d’une pression démographique, une partie de la communauté blanche colonise les régions de l’intérieur, refoulant ou exterminant les chasseurs Sans et asservissant les Hottentots. Cette expansion européenne va buter, à partir de 1770, sur le territoire occupé par des populations de langue bantoue, les Xhosa.

Les Trek-boers, vont se consacrer à des activités pastorales et adopter un mode de vie nomade. Ils s’installent ainsi sur les étendues du Karoo (sud-ouest de l’Afrique du Sud, semi-désert, « pays de la soif »)
A cette époque, l’économie de la colonie bénéficie de l’exploitation du travail des esclaves, importés de Java, de Madagascar et d’Afrique orientale.

Du contact de ces groupes avec les Européens va naître une nouvelle ethnie, les Métis du Cap (Kuup- KZeunge), et une nouvelle langue, l’afrikaans.

L’épopée du « Grand Trek » (le grand voyage, exode) en 1835 : 2 temps

En 1833, les Anglais s’étant rendus maîtres de la région du Cap, abolissent l’esclavage, provoquant ainsi l’exode d’une partie des éleveurs boers.

Refusant l’abolition de l’esclavage ordonné par le gouvernement anglais en 1833, 14 000 Boers environ ont massivement émigré (le Grand Trek) vers l’intérieur du pays où ils se sont heurtés aux populations bantoues.

A partir de 1835, les Trekboers, désignés également comme des Voortrekkers (pionniers, avant-garde, « ceux qui sont favorisés »), franchissent le fleuve Orange et la chaîne du Drakensberg, et fondent au cœur du pays zoulou la République de Natalia (territoire découvert initialement par les Portugais, le jour de Noël - Natal). Le 16 décembre 1838, après l’assassinat de leur chef, Piet Retief, 466 Boers remportent une victoire décisive sur les 10 000 zoulous du roi Dingaan (et en massacrent 3000) : c’est la bataille de Blood-River, fondement historique de la nation afrikaner.

En 1843, chassés du Natal par les Britanniques, les Vortrekkers traversent de nouveau les montagnes du Drakensberg, s’installent sur les plateaux austères du Veld, écrasent les Ndebele du chef Mzilikazi et asservissent les Sothos.

Après avoir vaincu ces derniers, les Voortrekkers ont fondé l’État libre d’Orange (1854) et la république du Transvaal (1852), dont les Anglais reconnaissent l’indépendance dans les années 1850.
Ces républiques vont rester rurales et arriérées jusqu’aux découvertes minières (diamants en 1867, or en 1886) au cœur du Transvaal, où va s’élever la métropole de Johannesburg.

2 – Une forte résistance à l’impérialisme britannique gravée dans la mémoire collective

Les Britanniques ont occupé la colonie du Cap en 1806.
Dès lors, les autorités impériales vont tenter d’angliciser les Afrikaners et, sous l’influence des missions protestantes, elles prennent des mesures pour protéger les Métis et les Hottentots.
La communauté afrikaner se partage désormais entre une population urbaine, sensible au prestige culturel des conquérants anglais, et une population rurale, jalouse de son indépendance et de ses privilèges, hostile aux Britanniques et fidèle à sa langue.
Au XIXe, ils étaient regardés comme des « boers » (paysans en hollandais) par les anglais.

La guerre des Boers (1899-1902)

Désireux de s’approprier les mines et de prendre le contrôle des deux républiques Boers, les Britanniques provoquent une série d’incidents qui déclenchent en 1899 la guerre des Boers.
Il faut rappeler que pour affaiblir les combattants Boers, Londres créa les premiers camps de concentration de l’histoire où étaient enfermés leurs familles et leurs esclaves noirs. 26 000 femmes et enfants y périront, ce qui est considérable au regard de la population de l’époque.

Les survivants se considèrent comme des miraculés de l’Histoire et construisent une mythologie où le peuple afrikaner (c’est ainsi qu’il se désignait désormais) se perçoit comme un peuple devant se défendre un fusil dans une main, une bible dans l’autre.

Après des combats acharnés, le conflit se solde par la victoire du Royaume-Uni ; en 1910, l’Union
sud-africaine est proclamée et devient dominion de la Couronne.

3 – L’élaboration d’une représentation : celle d’un « peuple élu »

Confronté à une forte adversité, le peuple boer se forge en tant que nation distincte, pensant être investi d’une mission divine consistant à « apporter les lumières de la civilisation dans les ténèbres de l’Afrique », et à maintenir sa présence dans cette partie du continent. Les Boers lutteront avec acharnement pour obéir à ce « commandement divin », à l’image des Hébreux dans la Bible.
Habités par cette vision, ils vont élaborer un récit historique remplissant deux fonctions essentielles : d’une part, légitimer la présence des Afrikaners en Afrique en n’hésitant pas à affirmer, au mépris des preuves fournies par l’archéologie, que les Blancs sont arrivés dans cette région avant les Noirs, d’autre part assurer la cohésion d’une communauté menacée d’éclatement, en lui donnant une conscience historique. Ritualisée, l’histoire afrikaner engendre une véritable « religion » civile renforçant une foi vigoureuse.
Une culture spécifique se développe, fondée sur une religion, le calvinisme, un territoire, une langue, l’afrikaans, et surtout l’intime conviction d’appartenir à un groupe humain privilégié, dans le cadre d’une société esclavagiste.

a) Une culture spécifique, isolée fortement imprégnée de calvinisme et pratiquement à l’écart des grands courants de pensée qui traversent l’Europe du XVIIIe siècle.

A la fin du XVIII’ siècle, malgré un vague attachement à des Pays-Bas mythiques, les Afrikaners de l’intérieur, isolés, ont rompu définitivement avec l’Europe, prônent entre eux un égalitarisme à toute épreuve et, au nom des valeurs chrétiennes, affirment leur supériorité sur les Noirs.
Ainsi, au début du XIXe siècle, se cristallise dans la mentalité afrikaner une prise de conscience nationale, favorisée par une relative indépendance par rapport au pouvoir colonial, due à l’éloignement géographique des centres de décision.

Cet isolement va largement favoriser des axes culturels et politiques forts.

b) Une pensée religieuse dogmatique

La religion réformée (notamment calviniste), réinterprétée, va devenir le socle d’une conception du monde.

La pensée religieuse afrikaner s’articule ainsi autour de la notion de prédestination. Le Dieu de la Bible aurait déterminé de toute éternité le destin de l’humanité et le destin individuel de chaque personne, lui assignant des fonctions précises, quasi-immuables, pré-déterminées.
La réussite terrestre constitue le signe d’un choix divin qui se révèle peu à peu, souvent après des périodes de doute et d’épreuve. Dans la solitude avec Dieu, empreint d’un certain pessimisme individuel et donc perpétuellement angoissé, 1’Afrikaner est appelé à se tourner continûment vers l’action.

L’idée de prédestination sous-tend une idéologie « fixiste » dont le rôle est manifeste dans l’appréhension des relations entre les différentes communautés ethniques.
Les afrikaners se sont persuadés que toute autorité est d’essence divine. Leur État est né de Dieu et le devoir de 1’État est de protéger ses sujets des menaces extérieures ou d’une modification de l’ordre des choses.

Le calvinisme sud-africain a appelé dès lors à une transformation du monde afin de réaliser sur terre la cité idéale, conformément à la révélation divine.

Cette représentation quasi divine des Afrikaners, guidés par Dieu aux confins de l’Afrique, va conférer aux Églises réformées hollandaises un rôle essentiel.
Nées d’une filiation lointaine avec la théocratie genevoise de Jean Calvin, ces Églises vont contribuer à la constitution du moule idéologique du nationalisme afrikaner.

Aux côtés d’une « histoire sacrée » et de la religion, la langue a été l’un des fondements de la culture afrikaner, confortant la cohésion d’une communauté menacée d’éclatement.

c) Une langue mythifiée : l’afrikaans

L’afrikaans joue le rôle de catalyseur dans le processus d’élaboration d’une prise de conscience nationale chez les Afrikaners. Véritable ciment unificateur, cette langue donne aux Afrikaners une identité commune.
Au XVIIe siècle, les colons, à côté du hollandais officiel, l’ont d’abord utilisé pour communiquer avec les Métis et leurs serviteurs de couleur, un créole portugais qui servait de langue véhiculaire en Indonésie depuis le XVIe siècle.

Au milieu du XVIIe siècle, ce créole cède la place à un créole hollandais, ancêtre de l’afrikaans actuel, comparable à celui qui se constitue à la même époque dans les Antilles hollandaises.

Ironie de l’histoire, cette langue, qui suscite tant d’amour et de passion chez les Afrikaners contemporains, a été à l’origine élaborée par les Métis ou à leur contact. Langue des esclaves, elle est devenue la langue des maîtres.

L‘afrikaans, essentiellement utilisé dans les zones rurales, s’impose peu à peu aux dépens du hollandais classique, de moins en moins compris.

En 1876, le pasteur Du Toit publie à Paarl le premier ouvrage en afrikaans sur l’histoire de la nation boer : Die geskiendenis van ons Land in die taal van ons Volk (Histoire de notre pays dans la langue de notre peuple).

A partir de 1880, une campagne est lancée par les Afrikaners du Cap, pour imposer l’usage de « l’af’aans » (l’afrikaans). La bataille ne sera gagnée qu’en 1925, date à laquelle cette langue est reconnue, au côté de l’anglais comme langue officielle, instrument privilégié par lequel la nation boer impose sa conscience.

4 – Le nationalisme afrikaner

Ayant fait la paix avec les Anglais, mais vaincus militairement, les Afrikaners vont entamer une lente reconquête du pouvoir politique.

Après la Première Guerre mondiale, les afrikaners, confrontés à la crise économique et à un double phénomène d’urbanisation et d’acculturation entrent de plus en plus souvent en compétition dans les villes avec les ouvriers noirs, souvent plus qualifiés.

Face à cette situation, les nationalistes afrikaners élaborent une stratégie destinée à aligner leur situation sur celle de la petite bourgeoisie anglophone.

A partir de 1924, les gouvernements d’inspiration nationaliste décrètent la supériorité raciale des Afrikaners et s’emploient à éroder la tradition libérale du Cap, au profit d’un système social issu des républiques boers du centre et du nord du pays.

L’idéologie qui justifiera l’Apartheid se structure alors, tandis que l’aile extrême du nationalisme subit fortement l’influence du nazisme.

La victoire du Nusionale Party, en 1948, consacrera la domination des Afrikaners qui mettront alors en œuvre une politique systématique de ségrégation raciale.

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Le poids des cultures diverses, un atout ou un handicap pour l’Afrique du Sud ?

1 – Une nation « arc-en-ciel » (« Rainbow nation ») ?

C’est une façon métaphorique de penser la cohabitation des groupes ethniques, non dans une première phase par leur fusion mais juste par leur juxtaposition : les couleurs de l’arc-en-ciel ne comportent pas la couleur noire ni la couleur blanche mais ne se mélangent pas.

L’expression a été forgée par l’archevêque Desmond Tutu afin de formuler son rêve de voir construire une société sud-africaine post-raciale, comme un nouveau pacte fondateur succédant à celui des Afrikaners avec Dieu. Elle évoque selon lui une alliance proposée par Dieu à tous les hommes.

Bien évidemment, la fin de la discrimination n’a pas entraîné la métamorphose des mentalités du jour au lendemain. La nation « arc-en-ciel » constitue un espoir mais reste un mythe.

2 – Le poids douloureux du passé pèse encore lourdement sur les différentes cultures composant la société sud-africaine et leur relations

2-1 Une violence enracinée dans l’histoire

Il faut admettre qu’il y a encore énormément de racisme et de violence en Afrique du Sud.

a) Défiance et ressentiment entre les communautés noires et blanches
Exemple : en 2010 le dirigeant d’extrême droite pro-apartheid Eugene Terreblanche (69 ans) a été battu à mort dans son lit et tué par un de ses employés après une querelle salariale. Deux employés de la ferme d’Eugène Terreblanche, âgés de 15 et 21 ans, ont été arrêtés et inculpés du meurtre.
Le Mouvement de résistance afrikaner déclare qu’il le vengerait mais a demandé à ses membres de ne pas réagir immédiatement.
De son côté le président de la Ligue de la Jeunesse, Julius Malema, a suscité la polémique autour des thèmes raciaux, par son récent soutien à un chant dont le refrain appelle à « tuer les Boers » (les paysans blancs).

b) La violence reste au cœur du nouvel État sud-africain
Les statistiques indiquent plus de 219 000 attaques et près de 200 000 cambriolages à main armée ainsi que 19 000 meurtres, 52 000 viols et 20 000 tentatives de meurtre enregistrés par an.

2-2 Le pouvoir économique appartient aux Blancs mais nombre d’entre eux doutent de leur avenir

→ Les pauvres sont très majoritairement noirs.
→ Vingt-six ans après la fin de l’apartheid, un cinquième de la population jouit d’un revenu quarante fois supérieur aux quatre cinquièmes restants ; une bombe à retardement. 
→ Très peu de gens ont réellement profité de la fin de l’Apartheid : 53 % des jeunes sont au chômage, un tiers de la population vit au niveau ou au-dessous du seuil de pauvreté.
→ Le problème de la redistribution des terres (lenteur, financement, problèmes juridiques).
→ Le capital reste pour l’essentiel entre les mains de la minorité blanche.
→ Pour autant, beaucoup d’afrikaners ont un sentiment de déclassement, d’insécurité, vivent mal certaines mesures de discrimination positive, redoutent une régression économique de leur pays (« nous allons survivre mais dans quel état ? ») et donc doutent de leur avenir.
Plus de 16 % de Blancs (qualifiés) ont quitté le pays dans les années 90. Peu encore sont revenus.

2-3 Une mosaïque de langues

a) L’afrikaans : encore une barrière linguistique
Un exemple : l’université de Pretoria ou de Stellenbosch dispense uniquement des cours en afrikaans.

b) 11 langues officielles : l’anglais, l’afrikaans et les langues des principaux peuples noirs (la langue indiquée entre parenthèses) sont toutes, et au même titre, des langues officielles : zoulou (isizoulou), xhosa (isixhosa), swazi, (siswati), ndebélé (isindebele), sotho du Nord (sotho du nord), tswana (setswana), sotho du Sud (sesotho), venda (Tshivenda) et tsonga-shangaan (xitsonga).

c) L’anglais, encore souvent imparfaitement maîtrisé, constitue la seule langue véhiculaire.

3 - Un désir de métissage encore à naître

Un marqueur : la rareté des mariages mixtes

Les règles de l’apartheid sud-africain interdisaient tout mariage entre Blancs et Noirs, toute cohabitation territoriale, les rapports sexuels.
Ces interdictions juridiques ont disparu il y a plus de 20 ans. Malgré tout, dans la nouvelle Afrique du Sud, les familles multiraciales restent l’exception.

Les statistiques sont parlantes : seulement 4% des mariages célébrés en Afrique du Sud sont interraciaux. Le fait que les Noirs africains soient largement majoritaires (près de 80% de la population) y est pour quelque chose, mais les mentalités pèsent aussi lourd dans la balance.

Dans un sondage réalisé par l’Université Harvard, 75% des répondants blancs et 27% des répondants noirs ont dit qu’ils seraient opposés à ce qu’un de leurs enfants épouse une personne d’une autre race. « Les disparités socio-économiques sont encore immenses entre les groupes », estime à ce sujet Cardell K. Jacobson, professeur de sociologie à l’Université Brigham Young.

Selon une enquête publiée en décembre 2009, seuls environ 50 % des Sud-africains estiment que les relations entre les différents groupes raciaux dans le pays sont meilleures que durant l’apartheid et 46 % des Sud-africains affirment n’avoir jamais eu de rapports sociaux avec des personnes de race différente que ce soit dans leur propre maison ou chez des amis.

4 – Des raisons d’espérer néanmoins

Le chemin parcouru en vingt ans
Dans les écoles, les universités, les transports publics, le monde du travail, et à tous les niveaux de la société, il y a une intégration et une égalité juridique formelle. Notamment dans les grandes villes.
→ Une intégration dans le monde du travail : une entreprise ne peut pas exister s’il n’y a pas, dans son conseil d’administration et parmi les cadres, des Noirs ou des métis.
→ L’impact des quotas. Par exemple, quand une société postule pour un contrat de travaux publics, il faut qu’elle ait un BEE, un Black Economic Empowerment
→ Au-delà du droit, par exemple, un grand journal qui n’a pas de Noirs dans l’équipe de management, n’a pas de crédibilité.

Le formidable potentiel latent d’une société métissée harmonieuse
→ Une intégration naissante par le métissage de la pensée.

Conclusion :

Pour Nelson Mandela, la paix et la réconciliation étaient prioritaires.
Pour son épouse Winnie, c’était la justice. Un conflit toujours d’actualité en Afrique du Sud.
« Nous n’avons gagné que le droit d’être libre, nous ne sommes pas libres » (Madela)

Le Sud-Africain reste encore un individu abstrait, qui existe d’abord par son passeport.
Il faudra sans doute encore deux, trois générations pour favoriser la mixité.
Aujourd’hui, on ne peut encore vraiment parler d’une nation heureuse.

"Now, here, you see, it takes all the running you can do, to keep the same place.
If you want to get somewhere else, you must run at least twice as fast as that ! "

Lewis Carroll, Alice’s Adventures in Wonderland

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