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Aurons-nous à manger demain ?

lundi 2 mars 2015, par André-Jean

Chez toutes les espèces (animales au moins), les individus consacrent une bonne part de leur énergie et de leur temps à rechercher et consommer, stocker éventuellement, leur nourriture. Les humains ont du faire de même pendant plusieurs millions d’années. Encore aujourd’hui, c’est le fait d’un grand nombre de nos contemporains. Toutefois, dans un pays comme la France, la part des dépenses alimentaires ne représente plus qu’environ 13 % de la consommation des ménages moyens et 7 % du PIB [1].
Cependant, la croissance démographique, l’artificialisation des sols, l’érosion de la biodiversité, la perte d’éco-systèmes, les changements climatiques, ne risquent-ils pas de remettre en cause notre confort alimentaire ? Y aura-t-il à manger pour tous demain ?
Cet article n’apporte pas de réponse originale à ces questions, des travaux nombreux et variés existent. Il vise simplement à rassembler quelques références et à rappeler quelques ordres de grandeur. [2]

Aurons-nous à manger demain ? — Sommaire

La faim, émeutes et endémisme

D’après source FAO

« Pendant des millénaires, le défi de l’humanité fut simplement d’arriver à se nourrir : en est-on revenu au même point alors qu’il y a à peine plus de dix ans l’Europe faisait face à des crises de surproduction justifiant la mise en œuvre de politiques malthusiennes visant à produire toujours moins ? Les années d’abondance, d’excédents structurels et de nourriture bon marché semblent bel et bien derrière nous. Selon l’Organisation des Nations Unies, 1,2 milliard d’êtres humains pourraient avoir chroniquement faim d’ici 2025. Le dernier rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) [3] fait état de stocks céréaliers à leur plus bas niveau depuis 25 ans et estime que 36 pays seraient en crise alimentaire dans le monde. Or, à l’horizon des cinquante prochaines années, il faudra nourrir neuf milliards d’êtres humains, ce qui implique selon l’INRA (Institut national de recherche agronomique) de doubler la production alimentaire mondiale. Toutes ces considérations tordent définitivement le cou à la vision malthusienne de l’agriculture qui régnait en maître depuis une décennie. » [4]

Evolution de l’indice FAO des prix alimentaires
Autour de 180/200 l’indice FAO des prix alimentaires de l’ONU montre une corrélation avec les émeutes de la faim de 2008, de 2011 et les conflits des printemps arabes. Le nombre de morts par pays de source média, est indiqué entre parenthèses. Le dernier indice FAO des prix des denrées alimentaires connu de janvier 2015, s’établit à 182,7 points.
Source : Forum Eco

En avril 2008, des émeutes de la faim se développent à travers le monde suite à la flambée des prix des matières premières alimentaires. Plus de 37 pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine représentant un total de 89 millions de personnes sont directement affectés par la crise alimentaire.

Jacques Diouf, DG de la FAO à cette époque, met en avant :

  • La baisse de la production due au changement climatique,
  • Le niveaux de stocks extrêmement bas,
  • La poursuite de la croissance démographique,
  • La consommation plus grande dans les économies émergentes telles que la Chine et l’Inde,
  • Le coût très élevé de l’énergie et du transport,
  • Et la demande accrue pour la production de biocarburants.

Concernant les conséquences des changements climatiques, plusieurs études ont essayé depuis de préciser la part de ce facteur dans le déclenchement du Printemps arabe, comme plus tard dans la déstabilisation de la Syrie [5].

Les explications données sur le moment n’ont évidemment pas toutes la même portée. Certaines sont conjoncturelles, d’autres révèlent une situation plus structurelle. Heureusement, dans la durée, la situation s’améliore progressivement.

La répartition de la faim change dans le monde
Les personnes sous-nutries dans le monde diminuent de 1 015 millions en 1990-92 à 805 millions en 2012-2014. Mais les évolutions sont très variables selon les régions.
Source : FAO - The State of Food insecurity in the world - 2014

La FAO, le PAM [6] et le FIDA [7] se sont félicités de la réduction du nombre de personnes souffrant de la faim. Depuis le début des années 1990, la part des personnes sous-alimentées est passée de 18,7 % à 11,3 % de la population mondiale, et de 23,4 % à 13,5 % dans les pays en développement. En septembre 2014, ces organisations considéraient que l’Objectif du millénaire pour le développement (OMD) consistant à réduire de moitié, d’ici à 2015, la part de la population souffrant de la faim, était à portée de main. Soixante-trois nations en développement avaient déjà atteint cet objectif, et six autres étaient en bonne voie d’y arriver. Ces organisations soulignaient qu’ « En dépit des progrès, le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation dans le monde reste encore à un niveau élevé inacceptable : 805 millions d’individus, soit 1 sur 9, ne mangent pas à leur faim. La tendance globale au recul masque des disparités entre les régions. »
Partout le taux de la population en sous-nutrition diminue. Mais, le nombre de personnes en sous-nutrition augmente dans certaines régions comme l’Afrique et l’Océanie où la démographie reste forte.

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Démographie

Évolution démographique depuis le néolithique
Source : Musée de l’homme.

« Lorsque quelque chose augmente d’un pourcentage constant chaque année, on parle d’une croissance exponentielle. Si cette croissance exponentielle se maintient longtemps, on arrive très vite à des nombres extrêmement élevés. Par exemple, la population française croît à environ 0.5% par an. Cela peut sembler minime. Mais si ce rythme est inchangé au cours des 2000 prochaines années, la population française atteindrait environ 1 400 milliards d’individus en l’an 4000. Inutile de dire que les français se sentiraient alors un peu à l’étroit, puisque cela signifie que chaque mètre carré du territoire serait occupé par 2.5 personnes. » [8]

Heureusement les prévisions de l’ONU, même révisées en 2012 sont moins inquiétantes. Elles laissent entrevoir un pic de population vers la fin de ce siècle.

Population du monde, 1950-2100 suivant les diverses projections
La population est comptée en milliards (échelle verticale). Une fertilité constante conduirait à une croissance démographique exponentielle (ligne violette). La ligne rouge correspond à une fertilité qui resterait élevée, la verte à une fertilité faible. La projection médiane est en bleue.
World Population Prospects : The 2012 Revision

Ainsi, selon la projection centrale de l’ONU, la population humaine, de 7,2 milliards d’individus en 2013 devrait atteindre 8,1 milliards en 2025, 9,6 milliards en 2050 et 10,9 milliards en 2100. C’est 1/3 de bouches en plus à nourrir d’ici le milieu du siècle et
la moitié en plus d’ici la fin du siècle. Un redoutable défi en soi.
Là encore ce défi est très inégalement réparti selon les grandes régions du monde.

Prévisions d’évolution des populations des grandes régions du monde
Le graphique fournit le cumul des populations en milliards d’individus.
Source : World Population Prospects : The 2012 Revision

Le département des affaires économiques et sociales des Nations unies donne une vue plus précise des changements prévus, ce qui révèle dans le même temps les hypothèses sous-jacentes.

Changements quinquennaux des populations des grandes régions

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Disponibilité alimentaire

Une voie étroite pour la sécurité alimentaire d’ici à 2050, est publié par la FAO en 1999. L’étude rappelle l’objectif ambitieux fixé à la création de la FAO en 1945 : « nourrir la planète ». Défi qui se déclinait en trois temps principaux puisqu’il s’agissait de combler les déficits alimentaires accumulés, de corriger les carences spécifiques et de faire face à un accroissement démographique rapide lui-même en expansion.
L’étude constate que les disponibilités alimentaires ont plus que doublé en 40 ans. Elle s’appuie sur les perspectives démographiques de l’ONU. Elle fait une analyse fine (par région et par régime alimentaire) des besoins alimentaires qui résulteront d’ici le milieu du XXIe siècle des évolutions conjuguées de la croissance démographique, de la structure démographique (âge, taille, etc.), des régimes alimentaires (complément énergétiques, protéines d’origine animale, etc.) C’est notamment de cette étude que sont tirées certaines projections de satisfactions alimentaires.

Consommation alimentaire par habitant de 1965 à 2030
Cette figure est extrait d’une étude réalisée pour la FAO en 2004. Elle montrait une situation de sécurité alimentaire en constante amélioration à l’échelle mondiale et au niveau des pays en développement. Le seuil de satisfaction des besoins en sécurité alimentaire a été fixé à 2 700 kcal/jour/pers.
Source : L’eau l’agriculture et l’alimentation

Les besoins nutritionnels sont de 2 000 à 3 000 kcal/j/pers selon l’âge, le sexe, l’activité, l’état physiologique des personnes. En 1961, la disponibilité mondiale moyenne était de seulement 2 193 kcal/pers/jour. En 2011, elle a atteint 2 868 kcal/pers/jour kcal/cap/day, constituée autour d’une base plus étroite de céréales de base ainsi que la viande et les produits laitiers.

Evolution de la disponibilité énergétique alimentaire
Le graphique indique la croissance de la disponibilité énergétique de la diète journalière en kcal/pers/jour selon les régions du monde.
Source : FAO, Food and nutrition in numbers 2014

L’amélioration du régime alimentaire comporte à la fois une dimension énergétique, mais également une part croissante de denrées d’origine animales (lait, œufs, viande). Leur production nécessite également une disponibilité en produits végétaux. Le rendement de transformation est faible : il faut de 4 à 10 calories d’origine végétale pour produire 1 calorie d’aliment d’origine animale. La prise en compte de l’ensemble des facteurs prospectifs de l’évolution des populations dans les divers pays en développement a permis de préciser les besoins attendus en 2050.

Effets de l’ensemble des facteurs démographiques et nutritionnels sur les besoins moyens en énergie d’origine végétale des populations des pays en développement en 2050 selon le continent (hypothèse centrale de 9,8 milliards d’habitants)
Ainsi, selon les chiffres calculées par la FAO en 1999, les besoins de ressources en production végétale pour les pays en développement d’Afrique seraient multipliés par 5 en 2050 par rapport à 1995.
Source : FAO, Une voie étroite pour la sécurité alimentaire d’ici à 2050

De tels chiffres conduisent à s’interroger sur les possibilités de production au niveau mondial, ainsi que région par région. La première estimation sur les ressources alimentaires mondiales daterait d’un peu plus d’un siècle. E.G. Ravenstein en 1891 évaluait la limite possible de population à 6 Mds d’humains. Voyons d’abord ce qu’il en est de la production de biomasse.

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Production de biomasse végétale

Dans ce chapitre nous utiliserons notamment des unités d’énergie.

Unités utilisées pour l’énergie et équivalences

Regardons d’abord les ordres de grandeur relatif à la production de biomasse végétale dans le monde. La production primaire nette en biomasse est mesurée en tonne de matière sèche par hectare (tms/ha). Elle varie de 0 (déserts secs, glaces) et jusqu’à 50 tms/ha (zones et forêts tropicales humides). Selon un bulletin publié par la FAO en 1997 [9] les flux d’énergie annuels en Joules seraient les suivants :

  • Energie solaire rayonnée vers la Terre : 5,7 x 1024 J/an.
  • Les plantes et organismes photosynthétiques captent une partie de cette énergie,
  • Et stockent 3x1021 J/an en fixant d’importantes quantités de CO2 (2x1011 t/an)
  • Les êtres humains prélèvent 3x1020 J/an de ce qui est converti par photosynthèse.
  • Ces 10% de la production mondiale de biomasse prélevés par l’humanité représenteraient environ 7 000 Mtep/an.

Cette estimation est cohérente avec l’appréciation qui peut résulter du cycle du carbone (C).

Cycle planétaire du carbone
Les échanges et les bilans sont exprimés en milliards de tonnes de carbone par an et correspondent aux échanges vers l’atmosphère. Par exemple une flèche dirigée vers l’atmosphère (vers le haut), accompagnée d’une valeur de 7.1 indique un flux de CO2 vers l’atmosphère de 7.1 milliards de tonnes de carbone par an (ce qui représente 26 milliards de tonnes de CO2, car le poids en carbone d’une molécule de CO2 représente 1/3.66 du poids total de la molécule).
Sources : Christopher L. Sabine et al, Science (2004), Josep G. Canadell et al, PNAS (2007), Raupach et al, PNAS (2007), GIEC 2007 — Le cycle du carbone

On estime à 120 Gt la quantité de carbone échangée chaque année entre l’atmosphère et la biosphère par photosynthèse et respiration. La part de carbone dans la matière sèche étant d’environ 50 %, cela donne une production photosynthétique annuelle d’environ 240 Gt de matière sèche au plan mondial.

D’autres estimations ont été faites, notamment par l’AIE [10]. Cette dernière estime la production de biomasse à 140 milliards de tms/an pour les terres émergées et 32,6 pour les océans (soit 172 milliards de tonnes de matière sèche de production annuelle). Le tableau suivant en donne le détail avec une répartition différente entre continent et océans.

Source : L’énergie solaire et les végétaux ;
et pour télécharger le tableau de la Productivité primaire totale nette

Avec un équivalent énergétique de 0,43 tep/tms [11], ces 172 milliards de tonnes de production nette annuelle de matière sèche de biomasse pourraient représenter jusqu’à 74 Gtep (3 000 EJ), soit près de 6 fois la consommation mondiale annuelle d’énergie. Seulement les 3/5e de cette production de biomasse est aérienne, les 2/5e qui se développent sous le sol restent pour l’essentiel inaccessibles à l’exploitation humaine. La production de biomasse accessible théoriquement représenterait ainsi 1 800 EJ, soit plus de 3 fois la consommation mondiale annuelle d’énergie. Avec un prélèvement actuel représentant de 5 à 7 Gtep par an, l’humanité exploiterait ainsi moins de 10 % du total de la production primaire nette de biomasse. C’est ce que nous allons détailler à présent.

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Utilisations de la biomasse

Stefan Wirsenius, dans sa thèse défendue à Göteborg en 2000, avait représenté les flux des récoltes et produits agricoles et forestiers et leur parcours dans le système mondial de transformation et d’utilisation [12]. En 2012, Pierre-Henri Texier a actualisé ces flux. Avec André-Jean Guérin, ils en ont simplifié la représentation dans le rapport sur les usages non alimentaires de la biomasse :

  • 1,5 milliards d’hectares cultivés, récoltes pour 2 Gtep,
  • 3,4 milliards d’hectares pâturés, collecte (herbe) pour 1,2 Gtep,
  • 4 milliards d’hectares de forêts, collecte (bois) pour 1,8 Gtep.
Utilisation de la biomasse récoltée par les hommes
Le graphique donne les flux annuels de collecte et d’utilisation de la biomasse exprimés en million de tonnes d’équivalent pétrole (les valeurs entre parenthèses sont les équivalents en ExaJoule (EJ)). Les pertes exprimées dans le graphique ne représentent que celles liées au faible rendement de la transformation des calories végétales en énergie animales (trait) et en calories des aliments d’origine animale (viande, oeuf,lait).
Source : Les usages non alimentaires de la biomasse

La nourriture humaine représente 15 % de ces flux d’énergie. Les pertes liées à l’élevage et la production de denrées animales en représentent plus du double. Même si, au total, cela représente moins de la moitié des ressources de biomasse aujourd’hui collectées, on observe que les denrées d’origine animale, représentent moins de 20 % de la ration alimentaire, mais mobilisent 2 à 3 fois la biomasse nécessaire pour la production des 80 % de la ration alimentaire d’origine végétale.
La part des produits d’origine animale dans la diète alimentaire journalière a de fortes répercussions sur l’importance des ressources végétales à mobiliser pour l’alimentation.
Gardons cela à l’esprit. Car les efforts pour contenir les émissions de GES [13] demanderont de plus capturer le CO2 et de mieux et plus utiliser les matériaux et l’énergie fabriqués avec la biomasse.
Un deuxième enjeu sera donc d’améliorer la satisfaction alimentaire de toutes les populations, tout en tirant une part accrue de biomasse pour des matériaux, pour une chimie biosourcée et pour les énergies renouvelables.
Le rôle originel de la production de biomasse ne saurait être oublié.

Biodiversité ou biomasse ?
Source : CIRAD

La production de biomasse par les végétaux alimente l’ensemble des chaînes trophiques et des écosystèmes. C’est sa première fonction et cela doit le rester alors que la biodiversité est déjà fortement érodée par les activités humaines et menacée par les changements climatiques.
Jusqu’où pourra-t-on accroître l’exploitation des bioressources sans déstabiliser les éco-systèmes essentiels ?

Répartition mondiale des terres par région et par occupation
Le graphique fournit les surfaces (en millions d’hectares) en jaune pour les terres arables, bleu pour les pâturages, vert pour les forêts, et rouges pour les zones non classées ainsi par la FAO (déserts, glaces, zones urbanisées et artificialisées, mais aussi terres délaissées et abandonnées). A noter que les surfaces occupées par les "habitations et infrastructures" progressent rapidement et atteignent 156 Mha (Les énergies, Paul Mathis, Quae, 2011)
Source : data FAOSTAT 2009

C’est notamment autour de ce troisième enjeu que se bâtissent des scénarios extrêmement divergents. Certains craignent que l’exploitation de la biomasse par l’homme ait déjà dépassé les limites et conduise à une dilapidation du capital naturel. D’autres au contraire vont jusqu’à imaginer que l’on pourrait en tirer des quantités représentant jusqu’à deux fois l’énergie mondiale mobilisée annuellement par l’humanité (12 Gtep soit 500 EJ) [14].
Les jeux d’hypothèses qui sous-tendent tous ces scénarios sont évidemment extrêmement diverses. Outre la question des surfaces de terres exploitables, elles intègrent les questions relatives à la disponibilité en eau, ressource déjà critique dans de grandes régions du monde et qui commande la productivité en biomasse. Elles prennent également en compte les potentialités en amendements des sols et engrais, ce qui conduit à reboucler sur les questions énergétiques et de ressources minérales.
Chacun de ces sujets fait l’objets d’analyses nombreuses et spécialisées qui sortent du cadre de cet article.

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Nourrir le monde... et mieux

Il ressort des parties précédentes que le potentiel physique de production alimentaire ne devrait pas constituer, en soi, une limite à la capacité à nourrir l’humanité, même à 10 ou 11 milliards d’individus. Les travaux les plus récents révèlent toutefois des régions de tension qui méritent attention [15]. Ainsi l’Afrique subsaharienne compterait presque 400 millions d’habitants de plus en 2050 par comparaison avec les anciennes prévisions sur lesquelles s’était appuyée la FAO ce qui ramènerait la disponibilité alimentaire à celle de 2006 (2400 kcal/j) ; par ses importations accrues pour des biocarburants de 1re génération et par une relative réduction de sa production agricole, l’Europe resterait au cœur des tensions et des arbitrages qui détermineront l’avenir du système alimentaire mondial et sa capacité à nourrir correctement et durablement une population qui pourrait atteindre 11 milliards d’habitants en 2100.
Il faut donc rester prudent sur la capacité d’une production mondiale suffisante et suffisamment répartie pour répondre aux besoins alimentaires mondiaux, avec en outre des incertitudes sur l’ampleur et les conséquences des changements climatiques et de l’érosion de la biodiversité. Cela incite à entrer plus profondément et plus en détail dans les points d’attention et de vigilance pour améliorer l’efficacité de l’ensemble des actions de prélèvement et de transformation de la filière alimentaires (ainsi d’ailleurs que pour les autres utilisations de la biomasse).

Gaspillages et pertes alimentaires
LA CAMPAGNE "ANTI-GASPI" 2014 : Stop au gaspillage alimentaire ! Pour un foyer de 4 personnes, 20 à 30 kilos/an de produits alimentaires consommables sont jetés, dont 7 kilos de nourriture encore emballée, ce qui représente un budget de plus de 400€ !... C’est la poubelle qui est contente !
La mobilisation pour éviter le gaspillage alimentaire est bienvenue de même que les mesures pour réduire les pertes le long de la chaîne alimentaire [16]. Il s’agit de volumes considérables [17]

Volumes des diverses denrées de base produites par région
En millions de tonnes par an.
Source : « Global food losses and waste », 2011, p. 4

Environ un tiers des parties consommables des aliments produits pour la consommation humaine est perdue ou gaspillée au plan mondial, ce qui représente 1,3 milliard de tonne par an. Ceci se produit tout au long de la chaine d’approvisionnement alimentaire depuis la production agricole jusqu’à la consommation dans les ménages. Dans les pays à revenu intermédiaire et élevé ce sont plutôt des gaspillages, c’est à dire des aliments jetés parfois même encore utilisables. Mais des pertes significatives interviennent également en amont dans la chaine d’approvisionnement. Dans les pays à faible revenu, il s’agit principalement de pertes au début et en cours de la chaine d’approvisionnement alimentaire, tandis qu’il y a moins de gaspillage au niveau des consommateurs.

Pertes et gaspillages alimentaires par personne avant et au niveau de la consommation dans les diverses régions
Les chiffres sont donnés en kg/pers/an
Source : « Global food losses and food waste », p. 5

Toutes les pertes et gaspillages ne peuvent probablement pas être évitées, retenons toutefois qu’ils représentent ce qui serait nécessaire pour nourrir la population supplémentaire attendue d’ici 2050.

Mal-nutrition — mal-bouffe
La sous-alimentation, [18] bien qu’ayant diminué dans les dernières décennies, touche encore plus de 800 millions d’individus dans le monde. Plus largement, la FAO avait réduit ses activités dans le domaine de la mal-nutrition [19]. Elle est appelée à les renforcer à la demande de la communauté internationale [20]. « Les problèmes liés à la malnutrition – sous-alimentation, carences en micronutriments et obésité – n’épargnent aucun pays et aucun groupe socioéconomique. Dans les pays les plus pauvres, la sous-alimentation et les carences en micronutriments sont de loin le problème sanitaire le plus préoccupant. Selon les estimations de l’OMS, 167 millions d’enfants de moins de cinq ans souffriraient de sous-alimentation chronique dans les pays en développement [21]. Les carences en vitamines A et en iode, dues principalement à des carences alimentaires, touchent entre 30 et 40 pour cent de la population adulte en Afrique et en Asie, et entre 10 et 20 pour cent en Amérique latine. Les carences en fer chez les femmes non gravides sont également très répandues dans ces régions. Le fait que ces statistiques n’aient guère évolué en dépit de la mise en oeuvre de programmes de grande ampleur d’enrichissement des aliments et de distribution de compléments alimentaires et d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi est particulièrement inquiétant [...]
On constate une augmentation de la prévalence du surpoids, de l’obésité et des maladies non transmissibles connexes, sans que la sous-alimentation et les carences en micronutriments disparaissent pour autant. Les pouvoirs publics doivent donc s’attaquer sans tarder à ce phénomène, qui touche plus d’1,6 milliard de personnes dans le monde, avant d’être contraints de recourir à des solutions beaucoup plus complexes et coûteuses. »

Selon l’OMS [22] :

  • À l’échelle mondiale, le nombre de cas d’obésité a doublé depuis 1980.
  • En 2014, plus de 1,9 milliard d’adultes – personnes de 18 ans et plus – étaient en surpoids. Sur ce total, plus de 600 millions étaient obèses.
  • 39% des adultes âgés de 20 ans et plus étaient en surpoids et 13% étaient obèses.
  • Une grande partie de la population mondiale vit dans des pays où le surpoids et l’obésité tuent plus de gens que l’insuffisance pondérale.
  • Le surpoids et l’obésité concernent près de 42 millions d’enfants de moins de 5 ans.
  • L’obésité est évitable.

L’OMS estime le surpoids et l’obésité sur la base de l’IMC [23]

Estimation de la prévalence du surpoids et de l’obésité en 2010
L’estimation est sur la base d’un IMC ≥ 25. Les couleurs correspondent au pourcentages d’hommes (en haut) et de femmes (en bas) dans la population de chaque pays.
Source : OMS

Les taux d’obésité et de surpoids en France sont parmi les plus bas de l’OCDE, mais ils ont augmenté de façon régulière. Environ une personne sur 8 est obèse en France, et 40 % de la population est en surpoids (y compris obèse). Les données les plus récentes montrent que la proportion d’adultes en surpoids a augmenté un peu plus vite que les anciennes projections de l’OCDE (celles-ci avaient prédit une croissance du taux de surpoids de 1.3% par an jusqu’en 2020, supposant que les tendances passées observées sur le long terme continueraient de croître sans relâche). Les taux d’obésité ont-eux augmenté plus fortement que les anciennes projections.

Évolution des prévalences de surpoids (y compris obésité) chez les adultes, projections et estimations récentes, quelques pays de l’OCDE
Taux de surpoids en fonction de l’année.
Source : OCDE, L’OBÉSITÉ ET L’ÉCONOMIE DE LA PRÉVENTION : OBJECTIF SANTÉ, p. 1

En 2008, un rapport d’information parlementaire sur la prévention de l’obésité [24] considère qu’il s’agit là d’un des principaux défis de santé publique.
Les risques pour la santé liés à l’obésité sont nombreux : l’obésité infantile est un risque majeur d’obésité adulte ; l’obésité est un facteur de risque majeur de maladie chronique ; les risques cardiovasculaires sont multipliés par trois, comme le risque de diabète ; les risques cardiovasculaires sont multipliés par trois, comme le risque de diabète ; le lien avec certains cancers est établi ; les altérations de la qualité de vie sont nombreuses ; au total, la surcharge pondérale est responsable d’un grand nombre de décès.

En outre, l’obésité est une menace pour l’équilibre de notre système de protection sociale. Le coût annuel pour l’assurance maladie de l’obésité et du surpoids est estimé à 10 milliards d’euros et 7 % des dépenses d’assurance maladie [25].
Manger mieux, manger moins (en énergie) fait partie des objectifs à prendre en compte dans le futur de l’alimentation à l’heure où, partout dans le monde, une part croissance de la population est urbaine, sédentaire, avec peu d’activité physique.

Stupéfiants, stimulants, drogues
On sait pourtant qu’en France, comme dans beaucoup de pays, la consommation d’alcool et de tabac ont des conséquences sociales et sanitaires importantes. Celles des drogues illicites s’y ajoutent [26]. Les coûts sociaux de ces pratiques représentent plusieurs points de PIB dans bien des pays. Mais, anecdote diront beaucoup, quel lien avec la production alimentaire ?

Prévalence de l’usage du cannabis en 2010 (ou dernière année connue)
Estimations de l’ONUDC basées sur les données du questionnaire destiné aux rapports annuels et d’autres documents officiels.
Source : UNODC, 2012, Rapport mondial sur les drogues, p. 8

Ne pourrait-on vraiment pas mieux utiliser une partie des plus de 90 millions d’hectares (plus que toute la surface de la France) aujourd’hui consacrés dans le monde aux productions de stimulants et de drogues (alcool [27], tabac, café, Thé, cacao, stupéfiants, etc.) ?

Intensification de l’agriculture
Il y a plusieurs façons de comprendre cette orientation. Nous retiendrons celle qui vise une intensification soutenable de la production par surface et par rapport aux intrants tels que l’eau, l’énergie, les engrais et traitements.
Il s’agit de pratiques qui peuvent trouver des références anciennes comme l’agriculture chinoise traditionnelle. Le système agricole traditionnel chinois est intensif (forte productivité par unité foncière), son caractère traditionnel historique s’exprimant dans l’importance de la main d’œuvre engagée au sein de très petites ou de microexploitations. En 1957, on comptait 130 millions d’exploitations familiales, avec en moyenne 6 personnes et 1,7 hectare par famille. En 1958, elles furent transformées en 26 000 communes populaires, puis, 3 ans après, en 6 millions d’équipes de production. Après les réformes engagées en 1978, les paysans ont repris le contrôle de leurs terres. On compte aujourd’hui 250 millions d’exploitations familiales employant, en moyenne, 1,4 personne sur moins d’un demi-hectare [28].
Evidemment, une agriculture telle que l’était et l’est encore une bonne partie de l’agriculture chinoise va à l’encontre des préconisations de la plupart des agences de développement dans le monde. Henri ROUILLÉ d’ORFEUIL plaide à l’inverse pour le maintien de l’emploi rural [29]. C’est tout l’objet de l’année internationale de l’agriculture familiale que de redonner des couleurs et du crédit à cette intensification du travail en agriculture [30].

Agriculture familiale et sauvegarde de la forêt en Amazonie

Produire plus et mieux avec moins, tel est bien l’objectif de « l’agriculture écologiquement intensive » [31]. La Chaire d’agriculture écologiquement intensive, pilotée par Michel GRIFFON, ambitionne de s’emparer de ce concept pour l’appliquer aux systèmes alimentaires du grand ouest de la France. Face à la grande diversité des situations agricoles dans le monde, depuis les plantations industrielles jusqu’aux petites agricultures familiales, le Cirad et ses partenaires [32] conçoivent des stratégies adaptées en association avec les producteurs. Agroécologie, agriculture de conservation, valorisation des services écosystémiques et de la biodiversité, sélection participative, production intégrée : autant de démarches employées, selon les contextes, pour accroître les performances des agroécosystèmes et répondre aux besoins d’adaptation et de sécurisation des populations… Le terme « agriculture écologiquement intensive » traduit ces champs de recherche pour l’établissement.

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Que retenir ?

  • L’alimentation est évidemment un sujet sensible et stratégique.
  • Au cours des dernières décennies, la faim dans le monde a diminué en proportion de la population mondiale qui en souffre, mais peu en absolu. La mal-nutrition touche tous les pays du monde.
  • La démographie encore croissante au plan mondial jusqu’à la fin du siècle accentue encore l’acuité de la question alimentaire.
  • Toutefois, la production agricole au cours de 50 dernières années a continué de progressé plus vite que la population.
  • Le potentiel de biomasse exploitable devrait laisser ouvert la possibilité de presque doubler la disponibilité alimentaire d’ici 2050 et même d’accroître en parallèle les utilisations non alimentaires de la biomasse tout en préservant les écosystèmes.
  • La réduction des 30 à 40 % de pertes et gaspillages le long de la chaine d’approvisionnement alimentaire est une priorité.
  • Manger mieux, ne veut pas dire manger plus pour une grande majorité d’humains. Au contraire, un meilleur équilibre alimentaire devrait s’accommoder d’une certaine sobriété notamment en produits d’origine animale. Les coûts de la mal-bouffe et des consommations excessives de stimulants et drogues devraient être réduits en même temps que les surfaces consacrées à leur productions.
  • L’agriculture familiale ainsi qu’une agriculture écologiquement intensive devraient être encouragées.

L’Humanité ne semble pas dans une impasse alimentaire, même à 11 milliard (il vaudrait mieux que cela ne dépasse pas un tel plafond !), même avec une meilleure alimentation pour tous, même en préservant les éco-systèmes, même en exploitant davantage la biomasse. En revanche, une production accrue de près du double demandera l’attention soutenue des hommes, d’abord là où ils sont : dans leur territoire, leur région, leur pays. Les situations sont toutes différentes. Un niveau de compétence et de formation toujours supérieur sera nécessaire. La production accrue, pérenne, durable, de denrées alimentaires et de biomasse, sera le fait de paysans reconnus, dont les revenus seront suffisants pour qu’ils souhaitent transmettre leur activité à de jeunes générations, pour qu’ils investissent dans leur propre sécurité de revenus (investissements matériels, organisationnels, mutuels, etc.) Une garantie de revenu est nécessaire pour qu’ils prennent le risque de méthodes de productions plus aléatoires mais plus productives par rapport à la terre et aux ressources naturelles (eau, engrais, énergie, etc.) La solidarité, (riches — pauvres, ville — campagne, pays industrialisés — pays en développement, régions arrosées — régions ensoleillées, etc.) est indispensable pour renforcer la disponibilité alimentaire pour tous. Si la ration quotidienne est typiquement un bien privé, la sécurité alimentaire est à coup sûr un bien collectif. Elle demande une régulation collective et publique aux différents niveaux.

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[2La publication par le GIEC du rapport Changement climatique et terres le 8 août 2019 nécessite de revoir certains point du présent article. Voir Sentiers de terres. Cette note a été ajoutée le 29 septembre 2019.

[6PAM : Programme alimentaire mondial

[7FIDA : Fonds international de développement agricole

[9FAO Agricultural Services Bulletin - 128, 1997, Renewable biological systems for alternative sustainable energy production

[11La tonne de matière sèche (tms) représente un équivalent énergétique de 0,43 tonne d’équivalent pétrole (TEP) - Source : Paul Mathis, "Les énergies. Comprendre les enjeux" et "Mémento sur l’énergie", édition 2013, édité par le CEA (page 8) ; "Les biocarburants" de D. Ballerini, p.182.

[12Stefan Wirsenius
Department of Energy and Environment, Chalmers University of Technology, SE41296 Gothenburg, Sweden, stefan.wirsenius@chalmers.se, GLOBAL USE OF AGRICULTURAL BIOMASS FOR FOOD AND NON-FOOD PURPOSES : CURRENT SITUATION AND FUTURE OUTLOOK

[13GES : gaz à effet de serre responsables des changements climatiques, principalement : CO2, CH4, N2O, etc.

[14Energy from biomass est un travail de UK-ERC (Centre britannique de recherche sur l’énergie) de novembre 2011. Il vise à alimenter le débat sur le potentiel que la biomasse pourrait apporter à la production mondiale d’énergie. Il recense les publications effectuées depuis 20 ans sur la question et indique les hypothèses qui les accompagnent. Il ne cherche pas à préciser ce qui est ou non acceptable.

[15Pluriagri a publié en septembre 2014 une étude conduite par Bruno Dorin (Cirad), intitulée L’Europe dans le système alimentaire mondial : un scénario pour 2050 adossé aux projections FAO. Cette étude s’appuie sur la dernière actualisation des projections FAO pour l’agriculture et l’alimentation, converties et ajustées via l’outil AgriBiom pour permettre une analyse sur base comparable des évolutions passées (1961-2006) et futures (2006-2050), par le biais d’une unité fonctionnelle commune : la calorie alimentaire.

[16Wikipédia rappelle la définition donnée par l’étude FAO :
*- La perte alimentaire mesure la diminution de la biomasse comestible (à l’exclusion des parties non comestibles et des graines) tout au long de la partie de la chaine d’approvisionnement spécifiquement dédiée à l’alimentation comestible pour la consommation humaine, c’est-à-dire les pertes à la production, après la récolte et les stades de transformation. Cette définition des pertes inclut la biomasse initialement prévue pour la consommation humaine mais finalement utilisée à d’autres buts, comme des combustibles ou de la nourriture animale.
*- Le gaspillage alimentaire est la perte alimentaire qui a lieu durant la vente au détail et les phases de consommation finale en raison du comportement des détaillants et des consommateurs - qui est de jeter la nourriture comme déchet.

[17Etude de l’institut suédois pour l’alimentation et les biotechnologies, au nom de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), et présentée pour le Congrès international « SAVE FOOD ! » Interpack 2011 à Düsseldorf en Allemagne : « Global food losses and waste »

[18La sous-alimentation, c’est-à-dire la faim, correspond à l’insuffisance de l’apport énergétique de la ration alimentaire

[19La malnutrition est une condition physiologique anormale causée par une consommation déséquilibrée, excessive ou inadéquate de macronutriments (glucides, protéines, matières grasses) et de micronutriments (vitamines et minéraux). Cette pathologie comprend les carences nutritionnelles (sous-alimentation), les carences en (ou l’excès de) micronutriments, de même que la consommation excessive de certaines composantes des aliments telles que les matières grasses et les sucres. Elle est souvent associée à une faible activité physique (surpoids et obésité ou suralimentation).

[20La deuxième Conférence internationale sur la nutrition – en présence des représentants de 172 pays, dont plus d’une centaine de ministres de la santé et de l’agriculture, ainsi que de nombreuses ONG et entreprises privées s’est tenue du 19 au 21 novembre 2014 à Rome. Elle a conduit à l’adoption de la STRATÉGIE ET VISION DE LA FAO POUR SES ACTIVITÉS EN MATIÈRE DE NUTRITION, Rome 2014

[21Selon l’Unicef, près de 195 millions d’enfants dans le monde souffriraient de malnutrition. La malnutrition n’est pas seulement le résultat de quantités d’aliments insuffisantes. Cette pathologie est causée principalement par l’absence de nutriments essentiels, ce qui non seulement pèse sur la croissance, mais encore affaiblit les défenses du sujet contre les maladies les plus courantes.

[22OMS : Organisation mondiale de la santé. Obésité et surpoids

[23IMC : indice de masse corporelle (BMI en anglais) = poids (en kg) / taille2 (en m2). Il y a surpoids pour IMC ≥ 25 et obésité quand IMC ≥ 30.

[25L’ONDAM : l’objectif national des dépenses d’assurance maladie pour 2008 était de152 milliards d’euros. L’IGAS et l’IGF avaient des appréciations divergentes du « surcoût de l’obésité », aux alentours de 5 milliards d’euros pour l’IGAS et de 11,5 et 14,5 milliards d’euros pour l’IGF.

[27La seule production de la bière mobilise une surface qu’on peut estimer à 22 millions d’ha. en 2013

[29L’emploi agricole, un défi historique. La tendance actuelle conduirait à un monde avec 3% d’actifs agricoles. Il perdrait ainsi 37% de sa population agricole, soit 2,6 milliards de personnes et 1,69 milliards d’actifs. Ajoutés aux 0,85 milliards d’emplois décents à créer pour répondre aux besoins d’aujourd’hui et aux 1,3 milliards pour les populations supplémentaires d’ici 2050, c’est 3,8 milliards d’emplois nouveaux qu’il faudrait créer d’ici le milieu du siècle. Le moins que l’on puisse dire est que cela sera difficile et que, s’il faut tout faire pour en créer le plus possible, il est impératif de tout faire aussi pour éviter les destructions d’emplois, notamment dans l’agriculture qui risque d’être le gros pourvoyeur de demandeurs d’emplois, du fait que la production agricole représente encore 40% du travail mondial. Il est donc impératif de lutter contre les exclusions paysannes.

[30Avec 2014, Année internationale de l’agriculture familiale, la FAO propose de nourrir le monde, préserver la planète. Henri ROUILLÉ d’ORFEUIL a animé la mission française sur l’AIAF

[31Michel Griffon, 2013, Qu’est-ce que l’agriculture écologiquement intensive ? Un des points forts du livre est de définir de manière pédagogique ce qu’est l’agriculture écologiquement intensive en la situant relativement à d’autres formes plus ou moins proches (agriculture raisonnée, biologique, à haute valeur environnementale, agriculture de conservation, révolution doublement verte...). L’agriculture écologiquement intensive est ensuite située par rapport à l’agriculture conventionnelle voire aussi une agriculture sans intrants selon deux caractéristiques majeures : elle est plus diverse et complexe que l’agriculture conventionnelle afin d’entraîner une « aggradation » (par opposition à dégradation) des écosystèmes. Elle consiste à promouvoir des « dynamiques bien plus régulées » par l’homme que ne le sont les deux formes mentionnées ci dessus ([Note de lecture de Michel Duru-http://economierurale.revues.org/4357]).

[32Le Cirad (La recherche agronomique pour le développement) développe des programmes de recherche sur l’Agriculture écologiquement intensive

Messages

  • Merci pour ce texte intéressant. Je n’ai pas le temps aujourd’hui de l’examiner en détail, mais je suis a priori un peu réservé face aux conclusions que j’estime trop optimistes. Quelques remarques en vrac.
    — Attention à ne pas sous-estimer les problèmes alors qu’il pourrait être fait un gros appel à la biomasse pour l’énergie ; alors que la transition démographique pourrait être retardée (le synode sur la famille de l’Eglise catholique continue un plaidoyer pour les grandes familles...).
    — La crise climatique est évoquée, mais elle est à venir. Ses effets actuels demeurent très limités. Ses effets futurs seront peut-être très sérieux.
    — Ne faut-il pas plus de surface pour bien nourrir les gens plutôt que de mal les nourrir avec de l’huile de palme et du maïs, qui ont de très fortes productivités par hectare ?
    — Une écologie écologiquement intensive ? Oui, mais cela reste à prouver à large échelle et dans le temps. Chaque agriculteur devra être un ingénieur. Comment seront-ils formés ?
    — Qui sait comment ralentir l’urbanisation ? Il faut soutenir l’agriculture familiale, mais cela suffira-t-il ? Cette agriculture a besoin d’énergies. Lesquelles ?
    — Saura-t-on diminuer le rythme d’artificialisation des terres ?
    — Quid des réserves de phosphates ? Qui saura maîtriser l’utilisation des terres pour produire différents drogues ? Dans les expériences que l’on voit en matière d’agriculture familiale, on accorde toujours une large place à la production de café et de thé. Ces productions ne nourrissent pas vraiment mais elles apportent des ressources aux agriculteurs.
    etc. Ces remarques ne visent pas à alimenter le pessimisme, mais à ne pas faire croire que les problèmes sont résolus.
    Paul Mathis, le 2 mars 2015

    • Merci Paul pour ces remarques pertinentes et précises.
      Ta position se défend solidement aussi. Il est vrai que j’ai volontairement opté pour une vision ouverte. Je pense toutefois que les plus fortes contraintes seront sur la capacité des hommes à transférer des revenus, à investir et à assurer la formation des collectivités paysannes, plutôt que la limite du potentiel de production.

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