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PLOAA 2023 - la concertation est ouverte pour le projet de pacte et de loi d’orientation agricole

La "santé des sols" est un patrimoine d’intérêt général

Et la "santé des sols" agricoles contribue à lutter contre le réchauffement climatique

lundi 10 avril 2023, par André-Jean

Les sols sont le support de la vie sur Terre. Cette affirmation fait simplement référence aux rôles décisifs des sols dans le développement des activités végétales et photosynthétiques qui alimentent l’ensemble des chaines trophiques terrestres, d’eaux douces et en partie marines. Ils ont donc un rôle décisif pour notre souveraineté alimentaire. La bonne "santé des sols" est un garant de leur fertilité, de leur capacité à stocker, filtrer et réguler l’eau, de leur aptitude à fournir les éléments essentiels à la vie et à la biodiversité, de leur rôle de réservoir de carbone, etc. La constitution de sols demande des siècles. Leur destruction peut être très rapide ou se prolonger au cours de décennies d’une exploitation déséquilibrée. Comme les forêts, les sols sont un patrimoine commun aux diverses générations qu’il convient de protéger et d’améliorer dans la longue durée. Il est temps que la loi le proclame.
Le présent article est une contribution à la concertation lancé début 2023 pour le pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricoles.

Sommaire

Argumentaire

Le 7 décembre 2022, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a lancé la concertation sur le pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricoles. Cette concertation est organisée autour de quatre axes :

  • l’orientation et la formation ;
  • la transmission ;
  • l’installation des jeunes agriculteurs ;
  • la transition et l’adaptation face au climat.

La note de problématique consacre son deuxième point à « II/ Anticiper l’avenir de l’agriculture française de 2040 pour mieux accompagner ceux qui la font et la feront ». Il est notamment souligné que « L’ensemble des transformations de l’agriculture se fera dans un contexte de changement climatique rapide, avec des effets négatifs déjà perceptibles et qui vont s’accentuer à l’avenir, mais aussi avec des opportunités à saisir et de nouveaux leviers de changement. » L’Académie d’agriculture de France (AAF) s’attache à formuler des propositions pour que « Le pilotage et le management des entités diversifiées [qui se déploient dans le cadre du renouvellement des responsables d’exploitation agricole] doivent parvenir à un programme pluriannuel devant répondre aux exigences d’une comptabilité « réduction de GES » intégrant les préceptes d’une « comptabilité verte » à définir. »

Concernant plus spécifiquement le rôle des terres dans la contribution à l’atténuation du changement climatique, Jean Jouzel, en conclusion de la séance plénière de l’AAF le 11 janvier 2023 sur « Capture et séquestration de CO2 par les agriculteurs —Peut-on et comment les contractualiser, les rétribuer ? », appelait à tout mettre en œuvre pour permettre une massification à l’échelle de toutes les parcelles et exploitations agricoles de la capture et séquestration de CO2 dans les sols agricoles français.

On sait que les sols recèlent une quantité importante de carbone provenant d’une séquestration du CO2 atmosphérique par les plantes via la photosynthèse. Les sols superficiels (30 premiers cm) contiennent 2 à 3 fois plus de carbone que l’ensemble des organismes vivants (plantes notamment) (GIEC). On sait également qu’il est possible d’augmenter ces captures et séquestrations du carbone dans les sols par des pratiques agronomiques appropriées (GIEC, initiative 4‰ lancée par la France en 2015 lors de la préparation de la COP21).

On sait (étude INRAE juillet 2019) que les sols agricoles français recèlent le plus grand potentiel de capture et séquestration supplémentaire de carbone dans les prochaines décennies et notamment les sols agricoles dédiés aux grandes cultures (soit en France métropolitaine et pour les sols de grande culture, + 5 MtC/an dans l’horizon 0-30cm (soit encore le retrait de 18 MtCO2/an de l’atmosphère), soit +5,2‰ rapporté au stock du mode d’occupation du sol correspondant).

Sol fertile

La « santé des sols », terme retenu par l’Union européenne apporte nombre de services [1] avec notamment :

  • fertilité et donc potentialité de production agricole et alimentaire,
  • capacité à retenir, stocker et réguler l’eau, et donc à limiter l’impact des sécheresses actuelles et futures,
  • jouer le rôle de réservoir de carbone
  • accueil d’une biodiversité riche et diversifiée,
  • etc.

Cet ensemble de services justifie notamment la décision de lancer une stratégie de l’UE pour les sols à l’horizon 2030 de façon à « Récolter les fruits de sols en bonne santé pour les êtres humains, l’alimentation, la nature et le climat ».

La constitution des sols est une œuvre naturelle de très longue haleine (plusieurs siècles) tandis que leur destruction peut être très rapide (artificialisation) ou se prolonger sur des décennies (érosion hydrique et éolienne, perte d’humus des sols agricoles en grande culture). Ils peuvent aussi se dégrader sous l’effet de la compaction par des engins trop lourds, de l’acidification (pluies acides, fertilisation azotée), de la pollution (métaux lourds, pesticides, microplastiques, hydrocarbures, …), de la réduction de leur biodiversité, et de la salinisation (par le biseau salé en zone littorale, par excès de pompage). En tout état de cause, la « santé de sols » est une qualité qui dépasse la seule génération qui en est chargée à un moment donné. A l’heure d’un changement de génération pour beaucoup d’agriculteurs, l’amélioration de la « santé des sols » demande un accompagnement constant dans la durée des générations qui en ont la charge à un moment donné (agriculteurs, particuliers). La « santé des sols » appelle, comme pour les forêts, une vision et une gestion à long terme. C’est pourquoi …

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Proposition d’élément législatif : La « santé des sols » est d’intérêt général

Contribution de l’INRAE à la COP 26 - Glasgow

Comme pour la forêt avec la Loi n°2001-602 du 9 juillet 2001, la « santé des sols » doit bénéficier d’un statut d’intérêt général. La forme pourrait être la suivante (qui anticiperait en partie la transposition de textes européens sur la « santé des sols » :

Le code rural et de la pêche maritime - Livre Préliminaire : Objectifs de la politique ... (V) est modifié ainsi : il est ajouté un premier article ainsi rédigé :
La « santé des sols » agricoles, comme forestiers et naturels, constitue un patrimoine commun de la nation. Leur conservation et leur amélioration sont reconnues d’intérêt général.
Un sol en bonne santé chimique, biologique et physique, est un sol à même de fournir en permanence le plus grand nombre possible de ces services écosystémiques :

  • assurer la production d’aliments et de biomasse, notamment dans les secteurs de l’agriculture et de la foresterie ;
  • protéger les nappes aquifères en absorbant, en stockant et en filtrant l’eau, et en transformant les éléments nutritifs et autres substances ;
  • fournir les éléments essentiels à la vie et à la biodiversité, y compris les habitats, les espèces et les gènes ;
  • jouer le rôle de réservoir de carbone ;
  • servir de plateforme pour les activités humaines et constituer un élément du patrimoine culturel ;
  • être une source de matières premières ;
  • constituer une archive du patrimoine géologique, géomorphologique et archéologique.

L’État accompagne les propriétaires dans leurs actions pour l’amélioration de la « santé des sols » dont ils ont la charge.

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Intérêt pour la capture et séquestration du carbone dans les sols agricoles

Cette dimension impose une gestion et un suivi dans la durée et dans l’espace du carbone dans les sols exploités par la succession des générations d’agriculteurs. Une telle déclaration d’intérêt général pour la « santé des sols » permettrait :

  • De soutenir le développement d’un réseau de mesures et de suivi des taux de carbone dans les divers types de sols en fonction de leur nature et des chroniques des pratiques agronomiques dont ils font l’objet. Un tel réseau pourrait être relié à l’actuel Réseau de Mesures de la Qualité des Sols ;
  • De soutenir, en parallèle, la constitution d’une base de données permanente sur la chronique des vues depuis l’espace des pratiques agronomiques de l’ensemble des terres agricoles ;
  • De développer un modèle public d’estimation des évolutions de la teneur en carbone des sols de chaque parcelle compatible avec les règles européennes de certification des absorptions carbone prévues par le cadre présenté par la Commission européenne le 30 novembre 2022 ;
  • D’impliquer les Organismes de Recherche et les instituts techniques agricoles dans les mesures de terrain et l’élaboration des modèles de stockage et séquestration de carbone dans les sols agricoles ;
  • De mobiliser les diverses sources de financement publics et privés, nationaux et européens, pour la réalisation de tels outils ainsi que pour le stockage et la séquestration eux-même, y compris à titre provisoire.

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Remerciements, références et notes

Mes remerciements vont tout d’abord à toutes celles et ceux qui m’ont encouragé et qui ont participé à la tenue de la séance plénière de l’AAF le 11 janvier 2023, ainsi en particulier qu’à Jean JOUZEL qui, dans ses conclusions à cette séance, a clairement appelé à réussir le développement de la capture et la séquestration du carbone dans l’agriculture.
Marion GUILLOU a incité à formaliser une proposition dans le cadre de la contribution de l’AAF pour le projet de pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricoles.
Christian VALENTIN avait animé le GT sols de l’AAF. Il a bien voulu relire, corriger et compléter les lignes qui précèdent.

Le présent article s’appuie aussi sur de nombreuses références accessibles sur ce même site Sentiers. il s’agit notamment de :

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