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Association Grands Projets 21 et l’Académie d’Agriculture de France

Climat – Energie — Impasses et Ouvertures

Visio-conférence accessible sur Internet

dimanche 18 avril 2021, par André-Jean

La Visio conférence de vendredi 30 avril 2021 a été enregistrée. Olivier BOISARD l’a mise en forme et rendue accessible sur le site de AGP21. Voir le lien ci-après, et des commentaires complémentaires ci-dessous.

Au début de notre 21éme siècle, le changement climatique, pouvait, éventuellement, apparaître comme une menace pour les générations futures. Moins de 20 ans plus tard, le réchauffement de la planète n’est plus réservé à nos enfants ! Et ces derniers nous interpellent sur l’héritage et les évolutions à venir. Alors, quelles sont les scénarios et les trajectoires ? Pouvons-nous éviter le pire ? Les travaux scientifiques sont nombreux qui apportent des éléments de connaissance et de modélisation. Le GIEC en fournit régulièrement des évaluations et y ajoute des focalisations sur des domaines spécifiques. L’un des enjeux majeurs est celui de l’accès à une énergie qui ne contribue plus à l’accumulation des gaz à effet de serre. Sera-t-il possible de décarbonater l’énergie suffisamment vite ? De quelles énergies disposeront-nous demain ? Faudra-t-il, en complément, déployer des technologies pour tempérer le réchauffement à l’échelle mondiale ?

Après cette conférence et les questions et réponses un peu écourtées par la longueur de l’exposé, commentaires et questions ont été envoyés directement. Ils sont repris ci-dessous, ainsi que les réponses.


Philippe VESSERON a apporté les premiers compléments :

Bonsoir Andre Jean !
J’ai bien aimé la forme et le contenu de ton topo.
Quelques remarques :

  1. Les discours et les questions sur l’économie des options me paraissent toujours mélanger deux situations très différentes : soit construire des capacités nouvelles de nucléaire et d’ENR avec backup , soit faire le carénage de PWR de 40 ans et les exploiter 20 ou 40 ans. Dans le second cas, le prix de revient est de qqe 30 ou 40€/MWh et on ne doit pas se poser de questions sur le mode de financement il y a 40 ans ni sur son coût.
  2. Tu as cité à juste titre les conceptions erronées sur le CO2 de l’électricité . Elles devraient appeler un énorme investissement de pédagogie si la France veut se protéger contre un dérapage du genre de ce qui est arrivé à Mme Merkel en 2011 : elle ramait depuis plusieurs années pour sortir de la sortie du nucléaire organisée par G. Schröder et a dû faire 180° après Fukushima
  3. Le sous-sol est un bon sujet : la géothermie que tu cites pour faire de l’électricité est pour îles volcaniques … ; le créneau d’avenir me semble être les échangeurs à 10 ou 200m de profondeur associés via une PAC à des diffuseurs genre PCRBT : on aura besoin de climatiser le résidentiel comme le tertiaire y compris sous les climats « tempérés ».
  4. Autres sujets de sous-sol : d’une part les shaleoils qui ont changé beaucoup de choses à partir de 2007/2008 ; d’autre part le CCS où j’imagine que les schémas CCS + solid to liquid devraient devenir économiques, en particulier à partir des biomasses de mauvaise qualité ( Janco avait fait du papier en 2002 que tu devrais lui demander de réactualiser).
  5. J’ai très peur d’une situation où on continuerait de laisser perdurer des erreurs de perception même lorsqu’elles sont manifestement fausses. Ainsi des émissions de CO2 d’un réacteur nucléaire en fonctionnement… ou symétriquement de la prétendue nécessité du « retraitement immédiat » au moment où les rapides sont renvoyés à plus tard… Ne pas se donner la peine de rectifier les « erreurs manifestes » crée une fragilité que nous pourrions payer très cher même si la déstabilisation vient d’ailleurs et d’un autre sujet…Je propose souvent l’idée que le mismanagement en France du VWgate aura été une des causes des Gilets Jaunes…
  6. Les scénarios genre « conversion de la mauvaise biomasse en hydrocarbures liquides avec CCS » me paraissent à creuser malgré ce qu’écrivait Janco sur un sujet voisin (en 2012 et pas en 2002 !) : https://jancovici.com/transition-energetique/charbon/quel-potentiel-a-la-liquefaction-du-charbon/
  7. Surtout, je crois important de sortir du slogan répété en boucle « la meilleure énergie est toujours et partout celle qu’on ne consomme pas ». Décroissance ou pas, ce genre de fausse évidence envoie forcément dans le mur… Ta réponse ne m’a pas trop plu sur ce point …

En tout cas, bravo
Bon we
Philippe Vesseron

Merci Philippe pour ces remarques avec lesquelles je suis d’accord. Même si je reste perplexe sur le lien entre VWgate et Gilets Jaunes !
Concernant particulièrement la dernière, j’ai essayé de rectifié en seconde partie de ma réponse en mettant en balance les dépenses énergétiques nécessaires, notamment dans les matériaux, pour réaliser des économies ultérieures, mais j’ai conscience que le message entendu était celui de ta citation que je récuse pourtant.
Amitiés.
André-Jean


Commentaire d’Erwin DREYER

Bonjour M Guérin

Je voudrais vous faire part de sentiments mitigés pour votre conférence de vendredi soir, sentiments que j’ai transmis à l’organisateur également et dont voici la teneur.

Avec mes amitiés.

« D’une part, la présentation des enjeux en termes d’émission de gaz à effet de serre, de la nécessité de réduire les émissions nettes, des scénarios d’évolution climatique et des sources de gaz à effet de serre était très claire et précise, et conforme au consensus dégagé au travers des travaux du GIEC et d’autres. Cela représente 95% de ce qui a été présenté, et bravo pour la synthèse.

La nécessité urgente de ralentir voire d’arrêter dans de brefs délais la mobilisation de charbon, de pétrole et de gaz naturel fait également consensus et était clairement démontrée dans la présentation.

Là où j’ai trouvé la posture de M Guérin très cavalière, c’est dans la façon de (ne pas) présenter les options du mix énergétique et de son évolution dans le temps dans un cadre de neutralité carbone. Laisser entendre sans autre forme de procès et sans argument étayé que le développement de l’industrie nucléaire est le seul moyen de répondre à ces défis climatiques et énergétiques est inacceptable dans un débat scientifique. Réduire la question à « les gens ont peur du nucléaire mais on va leur expliquer » est un peu court. De fait, la question du mix entre énergies renouvelables, énergies issues de la biomasse (qui ne sont pas si neutres en C que ça) et énergie nucléaire justifie d’un vrai débat, car il implique des choix de société importants. En effet, derrière ce choix porté par la nécessité de la neutralité carbone (qui fait consensus au moins chez les scientifiques) il y des enjeux en termes de coûts, d’impact environnemental hors C, d’emploi voire de développement territorial ; et je ne suis pas sûr que le nucléaire soit l’option gagnante sur tous ces tableaux.

Le développement de la filière hydrogène permettra de valoriser la production d’électricité pour d’autres usage, mais va également compenser dans une forte mesure (que je ne sais pas estimer actuellement) l’intermittence si souvent reproché au solaire et à l’éolien. Et les projets solaires sont bien plus malins que le projet pharaonique de centrales solaires sahariennes présentées ironiquement dans l’exposé.

Dommage : une occasion ratée d’aborder ces questions de la manière pondérée et documentée, qui est le travail de l’académie d’agriculture. « 

Erwin DREYER (erwin.dreyer@inrae.fr)
UMR SILVA (INRAE-UL-AgroParisTech), Directeur de Recherches chargé de mission
Editeur de « Annals of Forest Science »
PCI Forest&Wood Sciences (https://forestwoodsci.peercommunityin.org/PCIForestWoodSci)
www.nancy.inrae.fr

Bonjour M Dreyer,

Merci pour votre intérêt pour le sujet de cette conférence et pour les remarques que vous avez bien voulu m’adresser.

Je vais essayer de répondre à celle concernant ce qui pourrait « Laisser entendre sans autre forme de procès et sans argument étayé que le développement de l’industrie nucléaire est le seul moyen de répondre à ces défis climatiques et énergétiques... »

Sans doute la longueur de ma présentation m’a contraint à aller un peu plus vite que ce que j’aurais souhaité sur cette partie et donc à insuffisamment développer des précisions importantes. Je souhaite tout d’abord vous dire mon accord sur votre phrase « De fait, la question du mix entre énergies renouvelables, énergies issues de la biomasse (qui ne sont pas si neutres en C que ça) et énergie nucléaire justifie d’un vrai débat, car il implique des choix de société importants. » Et je pense avoir contribué à éclairer l’appréciation de l’état des lieux sur la base duquel un débat peut se déployer.

Concernant la diapo n° 42, elle ne fait que constater une situation d’approvisionnement énergétique de l’UE contrainte sur les diverses formes de ressources énergétiques. La peur du nucléaire en Europe est aussi vraie que la décroissance de la production de pétrole en mer du Nord. Les dépenses d’investissement engagées à partir de prélèvements obligatoires (taxes) pour le financement des investissements EnR en Europe atteignent 150 Mds € en France (Cour des comptes) et près de 500 Mds € pour l’Allemagne (relevé par la Cour des comptes allemande).

Concernant les diapo 57 et 58. Il s’agit là aussi de constats relevés par divers sondages d’opinions et soulignés par les sociologues. N’est-il pas normal de s’interroger sur les croyances du public lorsque ces dernières sont contredites par la réalité objective. A fortiori quand le décalage s’accentue avec les années et quand les plus jeunes de nos compatriotes sont ceux dont les convictions sont les plus éloignées des faits ? Si en outre une partie des opposants à l’énergie nucléaire le justifient par des raisons qui sont contraires à la réalité, n’y a-t-il pas un problème de communication et de transmission des informations ? N’y a-t-il pas nécessité de rectifier de telles fake-news ? N’est-ce pas indispensable pour que le débat puisse se dérouler de façon raisonnée voire apaisé ?

Vous soulevez à juste titre la question des coûts et des emplois. J’ai trop rapidement survolé ces questions, notamment avec la diapo 47. Il est clair que l’importation massive de combustibles et carburants fossiles grève lourdement la balance commerciale de l’UE et encore davantage de notre pays. Il est tout aussi clair que l’importation massive des turbines et des panneaux solaires y contribue. Même si le montage des éoliennes et des centrales photovoltaïques contribuent à l’emploi national, ces filières dépendent pour l’essentiel de compétences et de productions industrielles détenues par des pays étrangers. Les EnR électriques intermittentes et non pilotables ont vu leurs coûts baisser drastiquement au cours des récentes années et l’on peut se réjouir que cette tendance se poursuive dans les prochaines décennies. Il n’en reste pas moins que l’économie de ces filières tient à la régulation exorbitante de celle d’une concurrence imposée par l’UE entre les opérateurs du système électrique : elles bénéficient d’un régime d’accès prioritaire au réseau et de subventions déjà évoquées plus haut.

Oui, des systèmes de stockage peuvent en théorie, et peut-être effectivement demain, « compenser l’intermittence » des EnRe non pilotables. Mais quelle quantité, et pour quel prix. Le électrolyseurs produisent aujourd’hui un hydrogène à environ six fois le prix de celui issu du méthane avec émission massive de CO2. Pensez-vous que l’on pourra se payer de tels investissement pour qu’il ne fonctionnent que moins de 20% du temps (pointes de production de l’éolien ou du PV non absorbé par la consommation du réseau) ?

Mes diapos 63 et 64 constatent et se réjouissent du développement des EnR et suggèrent de poursuivre les efforts de R&D.
Ma diapo 66 illustre cela avec la photo de « AFLOWT : Accélération de la pénétration sur le marché de la technologie éolienne offshore flottante ». Et la diapo 68, montre le développement de la CUCS, qui pourrait permettre de prolonger l’utilisation des fossiles sans émissions de CO2.

La priorité que j’ai voulu mettre en avant est la nécessité d’une décarbonation massive et rapide des formes d’énergies utilisées. Comme vous l’avez souligné, cette priorité fait largement consensus aujourd’hui. En France, cette priorité est malheureusement contredite par le choix d’affecter la plus grande part des dépenses publiques consacrées à la lutte contre les émissions de GES à créer des capacités électriques qui ne font qu’effacer des capacités déjà les plus décarbonées (nucléaire et hydraulique selon les estimations de l’ADEME, diapo 58 graphique du bas à gauche). En France l’électricité est déjà bas carbone, en revanche la moitié de l’énergie consommée provient des fossiles : la priorité des dépenses publiques devraient répondre à ce défi. La situation n’est pas forcément identique dans d’autres pays.

J’espère avoir contribué à répondre à vos interrogations.

Bien cordialement.

André-Jean Guérin

Merci pour ces réponses dominicales et détaillées. Elles éclairent un peu plus le débat EnR/Nucléaire, mais ne le closent pas d’autant que les choses évoluent rapidement, avec côté EnR un redéveloppement des industries européennes liées à ces énergies et un potentiel de déploiement important (que vous indiquez aussi). Déterminer quel sera le mix optimal entre ces deux formes d’énergie et leur évolution dans le temps est un casse tête important. Par ailleurs, nous avons pris beaucoup de retard par rapport à d’autres pays européens dans le déploiement des EnR du fait de la prééminence du nucléaire dans la production d’électricité et de la surproduction électrique associée (la donne a nettement changé avec la baisse de production nucléaire ces dernières années due à la fermeture de Fessenheim mais aussi à des problèmes de maintenance dans pas mal de réacteurs, sans parler des retards dans la construction de Flamanville).
Je serais preneur d’une copie de vos diapos pour examiner à tête reposée celles qui sont passé un peu vite en fin d’exposé.
Amicalement et bon dimanche !
Erwin


Un échange avec Jean-Louis RASTOIN a également suivi ...

j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt ta conférence "Climat – Energie Impasses et Ouvertures" de vendredi dernier et apprécié la qualité des apports scientifiques et de la pédagogie.
Si je t’ai bien compris ta conclusion, le triplé gagnant pour ralentir les émissions de GES et produire suffisamment ’énergie propre serait : "biomasse + nucléaire + sobriété" ?
ta démonstration est convaincante
amicalement

Tout à fait. Je nuance et complète :
1. Efficacité énergétique,
2. Prolongation des centrales nucléaires existantes à 60 ans, évidemment sous autorisation et contrôle de l’ASN, et investissement progressif dans le nouveau nucléaire (EPR 2, SMR)
3. Biomasse (raison supplémentaire de dégager des surfaces cultivables ou forestables)
4. Sobriété modérée (conséquences économiques à surveiller)
5. CUSC (capture, utilisation, séquestration, du CO2, qui peut permettre de prolonger l’utilisation des fossiles sans émissions) ; les opérateurs pétroliers et gaziers savent faire déjà pour un prix autour de 100 $/tCO2 ;

Dans d’autres pays que la France, la substitution provisoire du charbon par du gaz naturel pour la production électrogène peut aider aux transitions énergétiques (Allemagne, Pologne, etc.)

Les EnR, y compris électriques non pilotables et intermittentes, peuvent apporter une véritable solution dans des pays qui disposent d’une ressource régulière (ensoleillement dans la ceinture intertropicale notamment), mais ils devront impérativement être couplés à des capacités de stockage.

Ces considérations militent pour des réponses adaptées aux situations locales et régionales et condamnent les affirmations dogmatiques.

Amitiés.

André-Jean Guérin


Climat – Energie — Impasses et Ouvertures (présentation)
Ensemble des diapositives et des chiffres évoqués lors de mon exposé. André-Jean Guérin

A la demande de plusieurs interlocuteurs, je joins la version .pdf de la présentation.


Voir en ligne : Climat – Energie — Impasses et Ouvertures

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