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100 % d’électricité renouvelable - A quel prix ?

mardi 26 mai 2015, par André-Jean

La transition énergétique est une affaire de longue haleine. Elle s’impose notamment pour des questions de climat. Pour nécessaire qu’il soit, l’exercice n’en est donc pas moins incertain et périlleux. Si au moins la cible était désignée clairement la tactique en serait facilitée. Au plan européen, la confusion entre un objectif climat de réduction des émissions de gaz à effet de serre [1] et des régulations contraignantes en terme de mode de production énergétique a désorganisé les systèmes jusqu’à retarder les investissements nécessaires [2]. Quand outre l’absence de hiérarchie dans les priorités, les travaux technico-économiques ajoutent à l’opacité au lieu d’éclairer les enjeux, le débat public est envahi par le combat idéologique.

L’Allemagne développe sa production d’énergie renouvelable, mais ses émissions de GES sont toujours équivalente en 2013 à ce qu’elles étaient en 2000 [3] et les ménages Allemands payent leur électricité 50 % de plus que les Français. Le modèle électrique allemand mérite attention et analyse. Ce ne peut pas être un modèle directement transposable.
La France produit une électricité six fois moins carbonée que l’Allemagne. Pourrait-elle également abandonner le nucléaire tout en réduisant son empreinte carbone et produire 100 % de son électricité avec des énergies renouvelables [4] ? Peut-elle l’envisager pour un coût équivalent ? Allons voir Energie : le rapport caché sur une France 100% renouvelable, l’étude que Mediapart a diffusée le 8 avril 2015, mais que l’on trouve pourtant aussi sur le site de l’ADEME : Vers un mix électrique 100% renouvelable en 2050

Résumé pour curieux pressé

Est-il possible de construire un mix électrique 100% renouvelable qui puisse satisfaire la consommation projetée à l’horizon 2050 ? La question posée par l’ADEME reçoit une réponse positive. Ne le savait-on pas déjà ?
L’étude, et c’est tout son intérêt, précise le comment et les modalités. L’optimisation par rapport au coût pour la société laisse entrevoir un chemin et un véritable potentiel. De ce point de vue, elle est très utile pour encourager les préconisations d’autres études en faveur de la R&D sur les stockages de masse. Elle apporte aussi de solides espoirs de pouvoir déployer l’accès à l’électricité pour toutes les populations du monde en évitant les émissions de GES. Jean-Louis Borloo qui lance un plan de 200 milliards d’euros pour l’électrification de l’Afrique y trouvera motif de satisfaction. C’est aussi un vif encouragement à développer dans notre pays les filières de maîtrise des technologies correspondantes qui devraient trouver des débouchés à l’exportation.

Reste la question du coût global d’un scénario 100 % électricité renouvelable. En même temps la question n’était pas celle-là, et il ne faut pas exiger de cette étude qu’elle réponde aux questions qui ne lui étaient pas posées :

  • Sauvons le climat [5] a rapidement publié une critique de cette étude, relevant une sous-estimation trop systématique des coûts. L’ONG conclue : L’ADEME a été prudente en ne publiant pas son scénario « 100% renouvelable en 2050 ». A ce stade, ce travail peine à emporter la conviction qu’un scénario 100 % électricité renouvelable ne serait pas beaucoup plus couteux qu’un scénario conservant ou accroissant la part de la production nucléaire. Mais il faut bien constater que les estimations de Sauvons le climat manquent aussi de références et sont au moins aussi discutables que celles de l’étude ADEME.
  • Au-delà, l’importance des investissements nécessaires demanderait un regard détaillé sur les besoins et capacités de financement et leurs échelonnements.
  • Les impacts environnementaux des divers scénarios mériteraient une attention plus détaillée. L’empreinte carbone d’un scénario 100 % électricité renouvelable ne risque-t-il pas d’être supérieur à ceux conservant une part importante de production nucléaire ? Et si oui, de combien ? Mais encore une fois la commande n’était pas de réduire les émissions de CO2, mais de produire 100 % d’électricité renouvelable !
  • Enfin, l’étude n’avait pas l’ambition d’aborder la question de la tarification qui ne manquerait pas de se poser avec une telle évolution. Lorsque un tiers de la facture d’électricité est constitué par des taxes et que le reste couvre avant tout des coûts fixes liés à la disponibilité de puissance apportée à tout moment par le réseau électrique et les systèmes de production en amont, il est clair qu’un paiement proportionnel à la consommation de kWh introduit de trop grandes distorsions. [6]

La politique concernant la transition énergétique cultive l’ambiguité sur la hiérarchisation des objectifs : Projet de loi, pour quelle énergie ?. Avec l’orientation donnée à cette étude, l’ADEME l’illustre à sa façon. Nul doute, un tel travail contribue à la question : L’énergie, affaire de qui ?

Sommaire : 100 % d’électricité renouvelable - A quel prix ?

Les titres suivant font référence au document de l’ADEME

Introduction

Le titre de Mediapart aurait pu laisser entendre que l’ADEME voulait camoufler et refusait d’assumer un travail qu’elle avait commandé. Il n’en est rien, puisqu’on trouve l’étude sur le site de l’Agence. Ce rapport final en fait n’en est pas un, mais un document de travail. Du reste on voit aisément qu’il manque encore des éléments à commencer par le Résume exécutif. Un ensemble de huit documents complète le travail avec le détail des méthodes, des données et des calculs, mais ils ne sont pas encore accessibles.
Il s’agit d’un travail de prospective avec élaboration de scénarios. L’un de ceux-ci avec 100 % d’électricité d’origine renouvelable en 2050 ne coûterait pas beaucoup plus cher à la société qu’une production électrique à 50 % d’origine nucléaire, seuil fixé par François Hollande pour 2025. C’est cette affirmation qui a provoqué l’excès de louanges et de critiques que l’on a pu lire dans la presse et sur les blogs. Aussi, et bien que cet aspect des conclusions n’est qu’un élément complémentaire de la réponse à la question posée, il nous faut y regarder de plus près.

Couverture du rapport de l’ADEME

Avec le nucléaire, Un choix réfléchi et responsable, de Henri Prévot expose un programme visant la réduction des émissions de GES de la France pour un coût raisonnable. Il s’appuie sur les coûts de fourniture de l’électricité sans carbone et observe les émissions de GES induites du fait de l’intermittence des EnR. Il étend surtout son analyse à la satisfaction de l’ensemble des besoins énergétique et ne la restreint pas seulement au système électrique. Il plaide la cause du nucléaire, non seulement son maintien, mais son accroissement.

Les productions électriques bas-carbone ont en commun de demander de très lourds investissements et de faibles coûts opérationnels. Jean-Marc Jancovici compare nucléaire, éolien et photovoltaïque en termes de capitaux à investir pour obtenir la même électricité sur la même période (un siècle), en supposant dans trois scénarios que toute l’électricité est obtenue par un seul de ces modes de production. Quelques calculs en ordre de grandeur fondés sur les coûts d’investissements dans les divers éléments du système électrique, les facteurs de charge des diverses types de production, les estimations de stockage par STEP [7], les pertes de transport et de stockage, les durées de vie des diverses installations, le conduisent à des montants d’investissement qui s’étallent dans un rapport de 1 pour une production électrique 100 % nucléaire à près de 40 pour 100 % de photovoltaïque. Les simplifications sont caricaturales, certes, mais, elles permettent de dresser un paysage qui conforte l’approche d’Henri Prévot.

Il faut donc examiner dans le détail le travail commandé par l’ADEME pour essayer de comprendre sur quoi se fondent de telles divergences d’appréciation. C’est ce qu’a fait l’association Sauvons le climat (SLC [8]) qui conclut : L’ADEME a été prudente en ne publiant pas son scénario « 100% renouvelable en 2050 ». La suite de cet article expose nos remarques et questions sur le « rapport final » Vers un mix électrique 100 % renouvelable en 2050, en suivant le plan du rapport [9].

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2.1 Avant-Propos

p. 5
« Les éléments présentés dans ce rapport, ainsi que leur interprétation, sont les
résultats des travaux réalisés par Artelys, AIRMINES-Persee et Energies Demain
mais n’engagent aucunement les acteurs du consortium. »
Cette précaution pose question dans la mesure où personne ne semble véritablement engagé par ce rapport !

S’agissant d’un travail d’élaboration de scénarios prospectif, le choix que « Les calculs reposent sur l’optimisation, pour la collectivité, » est important et bienvenu.

P. 6
Le choix du contexte retenu paraît approprié pour cette étude.
Le second point (« Le marché est supposé soumis à une concurrence libre et non faussée, sans effets de pouvoir de marché. ») soulève toutefois des questions : mentionne-t-on tous les marchés ? Ceux de l’électricité (gros et détail) ? Ceux des capacités ? Comment prend-on en compte les régimes de subventions, d’aides et d’incitation variées à l’utilisation de tel ou tel type de ressource énergétique, de travaux ou d’investissements ?
Le troisième point concerne l’absence de prise en compte des externalités. L’étude y revient toutefois sur l’aspect des émissions de GES. Elle le fait cependant de façon partielle. C’est un point qu’il conviendrait d’approfondir.

Sont mentionnées comme références les études précédentes de l’ADEME. Il conviendra donc de les interroger lorsque leurs résultats seront pris pour hypothèses. Car, il s’agit bien pour l’ADEME de « développer la connaissance sur les problématiques liées à un mix très fortement EnR. » dans une approche ou chaque étude est une brique supplémentaire à l’édifice.

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3. Présentation de l’étude

p. 11
3.1 Objectifs et périmètre de l’étude
L’objectif de l’étude est unique et clair : « construire un mix électrique 100% renouvelable qui puisse satisfaire la consommation projetée à l’horizon 2050. ».

Il n’y a aucun objectif de réduction des émissions de GES sur le territoire national ou de réduction de l’empreinte carbone dans la consommation du pays. La question suivante n’est donc pas ou peu abordée : Un tel mix électrique ne pourrait-il pas être plus carboné que l’actuel, dans sa composition directe, mais aussi de par les importations prévues de courant ainsi que du fait des importations de matériaux et d’équipements (cellules photovoltaïques notamment) ? (On verra plus loin que la question des importations et de leur impact carbone est tout de même abordée si ce n’est complètement traitée.)
L’étude semble donc s’autoriser à augmenter le bilan carbone du mix électrique qui est actuellement un des plus faibles d’Europe. La question n’est pas sans fondements. Un travail, conduit dans le cadre de la Commission des comptes et de l’économie de l’environnement en 2012-2013, portant sur le coûts des productions d’électricité renouvelables intermittentes et dont le MEDDE n’a pas assuré la publication, concluait que « La puissance installée photovoltaïque qui minimise les émissions est nulle... » et que « La puissance éolienne qui minimise les émissions est... » comprise entre 5,6 et 17 GW selon un jeu d’hypothèses sur le mode de fonctionnement du nucléaire en base seulement (comme en Belgique) ou en production souple (comme en France actuellement) et la possibilité d’importer ou non de l’électricité éolienne allemande. L’ADEME était représentée au comité de pilotage de cette étude.

De même l’étude n’évoque pas la question de l’objectif d’indépendance énergétique et de la réduction du déficit commercial généré notamment par l’importation de la totalité des combustibles fossiles utilisés par la France. Il faut évidemment relativiser la question puisque le périmètre se limite au mix électrique. Elle pourrait cependant rester pertinente si l’étude avait accepté d’examiner les substitutions possibles d’une partie accrue des ressources fossiles par de l’électricité à très faible contenu en importation et en carbone. C’est précisément l’un des points qu’examine en détail l’approche d’Henri Prévot.

Enfin, l’étude reconnait honnêtement qu’elle n’aborde pas la question de l’acceptabilité des impacts environnementaux de la massification des installations de production électriques renouvelables (éoliennes, panneaux solaires, etc.) et celles des stockages (STEP). Elle le fait cependant partiellement dans la partie consacrée à la robustesse des scénarios en développant un scénario qui tient compte d’une faible acceptabilité aux éoliennes à terre.

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3.2 Hypothèses structurantes

3.2.1 Gisements
SLC remarque que « Le texte publié ne donne pas beaucoup de détails sur les calculs qui sont, comprenons-nous, donnés dans d’autres documents auxquels nous n’avons pas eu accès. » Il est évidemment souhaitable que l’ADEME donne « les précisions permettant de poursuivre une analyse critique plus approfondie de ses hypothèses et extrapolations. » Pour nourrir son analyse critique, SLC a mené un travail de détective dont il n’exclut pas qu’il comporte des inexactitudes.
L’analyse critique des gisements fournis dans l’étude reste donc à faire, d’autant plus que les chiffres avancés appellent quelques étonnements immédiats : comment le gisement de PV [10] sur toiture peut-il représenter près de 8 fois celui au sol ? Y a-t-il vraiment 2 milliards m2 de toiture à équiper ? Sont-elles toutes orientées correctement ? Ne sont-elles jamais ombragées ? Peut-on raisonnablement imaginer un gisement éolien terrestre de 174 GW correspondant à plus de 58 000 machines de 3 MW [11] ?

Cette analyse du gisement de puissance maximum région par région mériterait d’être complétée à la même échelle territoriale par la connaissance des facteurs de charge [12]. A défaut, la généralisation par exemple d’un facteur de charge sur l’ensemble du gisement éolien à partir des observations actuelles surestime probablement le potentiel de production, car les sites servant de référence sont les plus favorables, précisément ceux déjà équipés. Toutefois, cette question essentielle est abordée au 3.3 de l’étude, notamment avec les diverses filières technologiques (p. 28 et suivantes).
Cette remarque prend toute son importance p. 14 où l’on passe des gisements au productible maximal. L’absence de détail sur les facteurs de charge utilisés laisse planer une interrogation sur le productible maximal théorique. Toutefois, cela ne peut pas remettre en question que ce dernier soit largement supérieur à la demande annuelle de consommation électrique [13].

Sans que ce soit posé comme une hypothèse, la demande annuelle d’électricité est chiffrée à 422 TWh en 2050 pour 470 aujourd’hui. Or c’est une hypothèse forte que de prévoir 10 % de baisse, alors que la hausse de la population et les nouveaux usages (voitures électriques par exemple) génèreront des nouveaux besoins. SLC considère à l’inverse qu’il serait raisonnable de tabler sur une croissance de la consommation d’électricité de 60 TWh [14].

3.2.2 Coûts des technologies projetées à 2050 [15]
La figure 6 p. 15 prends en compte un facteur de charge moyen de 25 %. C’est 10 % plus haut que la moyenne observée en France par RTE et un développement du parc éolien à même technologie se ferait probablement avec un facteur de charge inférieur encore [16]. Augmenter le facteur de charge de 10 %, c’est réduire d’autant le coût de l’électricité produite, car celui-ci ne comporte pratiquement pas de coûts proportionnels.

Une discussion détaillée des estimations d’évolution des coûts à 2050 est faite par SLC [17] dont il faut souligner toutefois que sa note est muette sur les références de prix [18] . Les écarts les plus importants concernent :

  • le photovoltaïque sur toiture, 150 €/MWh pour SLC contre 85 €/MWh dans l’étude, [19]
  • le photovoltaïque sur sol, 101 €/MWh contre 60,
  • l’éolien en mer, 150 €/MWh contre 80.

Avec de tels écarts dans les hypothèses, les coûts des scénarios ne peuvent être que très divergents.

De même SLC critique les estimations de couts de stockage des scénarios de l’étude ADEME [20] : « Compte tenu des quantités d’électricité déstockées, alors que le coût annuel du stockage estimé par l’ADEME est de l’ordre 5,5 G€, nous le situons entre 11,5 et 20,3 G€. »

3.2.3 Projections de la consommation
Les hypothèses sur la consommation en 2050 s’appuient sur deux scénarios de demande qui font référence à des études ADEME antérieures :

  • « demande Basse », consommation annuelle totale de 406 TWh en moyenne,
  • « moindre maîtrise de la consommation », consommation annuelle totale de 487 TWh, en moyenne.
    Voir à nouveau la discussion de SLC sur ces scénarios.

3.2.4 Pilotage de la demande
Le pilotage de la demande correspond à la possibilité pour le gestionnaire du réseau de décaler dans le temps une partie de la consommation électrique chez les usagers. Typiquement la consommation électrique des cumulus d’eau chaude sanitaire peut être reportée au sein d’une période de 24 heures. Elle permet aujourd’hui d’utiliser l’électricité décarbonée nucléaire produite la nuit et de réduire la demande au moment des pointes de la journée. Demain, elle permettra peut-être d’utiliser l’abondance des productions photovoltaïques diurnes les journées ensoleillées ou celle des périodes ventées.
SLC [21] explicite les contraintes fortes et les coûts sous-estimés que représente la possibilité de piloter jusqu’à 57 TWh sur 422 TWh, soit 14% de la consommation annuelle totale. Là encore l’analyse rigoureuse demanderait à pouvoir accéder à un autre document ([Modèle]) mentionné dans l’étude ADEME.
La possibilité de piloter une part importante du chauffage présuppose les rénovations thermiques et énergétiques des bâtiments résidentiels et d’activité. Si cet aspect n’est pas dans le périmètre de l’étude, il est clair en revanche qu’il est particulièrement gourmand en investissements et qu’il peut remettre en cause fortement les conclusions selon son taux de réalisation. Il est non moins clair qu’une optimisation sociale sur les coûts devrait prendre en compte l’ensemble des coûts, y compris ceux nécessaires chez les particuliers et non pas seulement ceux du système électrique [22].

3.2 5 La prise en compte de l’aléa météorologique (p. 24)
Piloter 14 % de la consommation annuelle d’électricité sur quelques heures (période de 24 heures au maximum) comporte des contraintes et des coûts. Toutefois, la difficulté la plus grande vient probablement des écarts entre production et besoins sur des périodes qui excèdent le rythme nycthéméral : au sein d’une semaine, entre semaines selon notamment la météorologie et les activités, inter-saisonniers, voire d’une année à l’autre.

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3.3 Modélisafon detaillée

La description des filières de production EnR [23] permet de répondre, dans le principe au moins, à la question des facteurs de charge pour l’éolien avec le déploiement de la nouvelle génération de turbine qui démarrent avec des vents faibles à modérés, même si elles doivent être arrêtées avec des vents moins forts que l’ancienne génération.

3.3.2 Stockage
Le décalage entre productions non pilotables et besoins non effaçables impose des stockages.
Divers types de stockages sont étudiés. Leurs caractéristiques sont explicitées, mais non pas toutes réunies dans la même partie de l’étude qui s’appuie sur un travail précédent de l’ADEME [24].

SLC consacre à juste titre une part importante de sa note à l’analyse de cette partie. L’ONG insiste notamment sur les conséquences de rendements toujours inférieurs à 1 et parfois simplement de 20 à 33 % du stockage. Elle récapitule que « Compte tenu des quantités d’électricité déstockées, alors que le coût annuel du stockage estimé par l’ADEME est de l’ordre 5,5 G€, nous le situons entre 11,5 et 20,3 G€. » [25] C’est dire si l’écart d’estimation appelle des expertises complémentaires !

Ajoutons que les graphiques (Figures 29 à 34) sur les stockages-destockages donnent l’illusion d’une quasi égalité entre quantités stockées et déstockées sur la période présentée. Or il n’en est rien puisque chaque mode de stockage a un rendement inférieur à 1 et parfois très faible comme pour le passage par du gaz de synthèse (Figures 33 et 34) avec un rendement de l’ordre de 20 à 33 % selon les estimations. Les investissements alors nécessaires pour produire une électricité excédentaire qui sera stockée avec un mauvais rendement par un ensemble d’équipements qui ne fonctionnera qu’une faible partie de l’année (facteur de charge faible) justifient en outre une évaluation en besoins et capacités d’investissements tel que Jean-Marc Jancovici l’a esquissée.

3 3.3 Réseau de transport inter-régional
La remarque de SLC [26] concernant l’absence de prise en compte des modifications imposées par des productions diffuses sur les réseaux de distribution locaux paraît tout à fait justifiée. Or, dans les coûts d’investissement impliqués par une généralisation des productions diffuses, les coûts sur les réseaux locaux sont bien supérieurs à ceux concernant le réseau de transport.

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3.4 Methode, critères et contraintes de l’optimisation

Ajoutons à la note SLC que dans un scénario prospectif européen 80% renouvelable, il n’est pas certain que l’on puisse exporter de l’électricité renouvelable au moment où elle est abondante partout en Europe. Il est déjà arrivé que la surproduction éolienne ait provoqué un prix négatif de l’électricité sur le marché de gros. Même si le bilan carbone est neutre pour la France [27] du fait d’un équilibre entre volume d’électricité importé et volume d’électricité renouvelable exportée, « L’hypothèse d’un bilan financier nul est donc clairement fausse. » [28]

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4. Quelles sont les conditions optimales pour un mix électrique 100% renouvelable en 2050 ?

Est-il possible de construire un mix électrique 100% renouvelable qui puisse satisfaire la consommation projetée à l’horizon 2050 ? La question posée par l’ADEME reçoit une réponse positive. Selon les hypothèses envisagées, l’étude permet d’identifier plusieurs mix possibles permettant de répondre à la demande avec un mix de production électrique 100% renouvelable et sans défaillance. La description des quatre principaux scénarios est détaillée.
Au-delà, il faut noter, sous les réserves précédentes, que la capacité de production installée est comprise entre 171 et 208 GW pour une demande annuelle de 422 TWh soit un facteur de charge moyen de 23 à 28 % pour l’ensemble des installations de production d’électricité renouvelable. Les pointes de demande estimées entre 96 et 134 GW seraient couvertes par les capacités ci-dessus, une capacité de stockage de 36 à 44 GW et des possibilité d’importation allant jusqu’à 16 GW, soit un total compris entre 223 à 268 GW soit en gros 2 fois la demande en pointe. Une étude détaillée des besoins et des capacités en investissements pour un tel programme s’impose.

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5.Au-delà des idées reçues sur les énergies renouvelables

5.1 Un mix électrique 100% renouvelable à coût maîtrisé
Nous ne reprendrons pas les diverses remarques concernant les coûts égrenées dans cet article et la note SLC qui montre que cet aspect de l’étude est sans doute le plus discutable.

5.2 Equilibre offre-demande atteint à toute heure de l’année
Le travail effectué sur ce plan est essentiel pour sécuriser les scénarios de mix 100 % électricité renouvelable. Il montre la robustesse des propositions.

5.3 Une indépendance énergétique sans autarcie
L’apport de cette partie répond à une de nos interrogations : « ... le modèle 100% renouvelable français permettrait une réduction de 3% des émissions de C02 annuelles des pays étrangers, avec une baisse de 42% de l’exploitation de leurs filières à gaz. ». Mais ce point demanderait une discussions contradictoire.

5.4 De fortes contraintes d’acceptabilité sociale sont compatibles avec un mix 100% renouvelable
Dont acte. Mais est-il si sûr que des habitants réticents à l’installation des éoliennes accepteraient volontiers de voire passer leur nombre de 5 000 à 20 000 (scénario correspondant à une faible acceptabilité !). Le débat sur l’éolien reste ouvert A fortiori si l’on doit atteindre 58 000 machines.

5.5 La maîtrise de la demande est un élément clé pour limiter le coût d’un scénario 100% EnR
Mais une moindre maîtrise ne condamne pas la possibilité d’un mix électrique 100 % renouvelable. C’est simplement plus coûteux.

5.6 Les contraintes d’acceptabilité liees au reseau ne sont pas un obstacle
La vérification n’est pas anodine quand on a en tête les difficultés que connaissent nos voisins allemands pour relier les capacités éoliennes du nord et de la mer Baltique aux centres industriels du sud du pays.

5.7 Un surplus acceptable, en grande partie valorisable
Les possibilités d’examen multi-énergies sont volontairement ignorés.

5.8 Quelle place pour les énergies marines ?

5.9 Quelle occupation du sol pour un mix 100% renouvelable ?
L’étude éclaire là un des aspects des impacts environnementaux. Dans le scénario central la surface occupée par les parcs d’éoliennes serait de 17 000 km2 soit 3 % du territoire national. La surface artificialisée (socle des éoliennes, installations électriques, voies d’accès) ne serait que de 170 km2. Quant aux centrales photovoltaïques au sol, elles couvriraient 500 km2.

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6. De 40% à 100% renouvelable : quelles variations ?

Ces variantes ont pour principal objectif de discuter du niveau des coûts de production selon les taux d’électricité produite à partir de sources renouvelables. La principale conclusion serait une faible variation.
Cependant cette conclusion est évidemment interpelée par l’ensemble des remarques et critiques sur les coûts que nous avons relevées tout au long de cet article.

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7. Perspectives

Outre la maîtrise des consommations et la possibilité d’en piloter une partie significative, l’étude fait ressortir que la complémentarité du solaire et de l’éolien, ainsi que la combinaison de stockages de durées plus ou moins longues était l’un des paramètres essentiel quant à la maîtrise du coût annuel de la fourniture d’électricité. Il est proposé en outre une liste précise de prolongements pour abaisser encore les coûts ou prendre en compte d’autres contraintes.

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[1GES : gaz à effet de serre

[3L’Allemagne est de loin le plus gros émetteur de GES de l’Union Européenne et les Allemands, avec les Danois, sont les plus importants émetteurs par habitant. Pour être équilibré sur l’évolution récente des émissions allemandes, il faut noter qu’après une baisse de ses émissions, il y a eu une remontée liée au switch du gaz vers le charbon du fait de la baisse des prix mondiaux du charbon, elle-même induite par l’exploitation des gaz de schiste en Amérique. Si la production d’électricité allemande à partir de gaz était restée à son maxima de 2010 avec ajustement de la production à partir du charbon charbon pour avoir toujours le même total d’élec fossil, les émissions allemandes auraient baissé de 15 Mt de CO2.

[4EnR : énergies renouvelables

[5Voir plus bas la note sur cette ONG

[6Voir le rapport Valter sur les tarifs de l’électricité et notamment son questionnement sur l’évolution de la structure de la tarification à l’avenir.

[7STEP : Station de transfert d’énergie par pompage. La STEP la plus importante en France est le système de Grand’Maison en Isère

[8Sauvons le climat Dans la suite de cet article, nous ferons référence à l’analyse de Sauvons le climat par ses initiales : SLC

[9Ceci implique, au moins dans les premières versions de cet article, que des remarques faites au fil de la lecture, puissent se trouver sans objet par des éléments ultérieurs de l’étude. Nous essayerons de mentionner de genre d’occurrences

[10PV : photovoltaïque

[11Soit 9 fois l’objectif 2020 que la France semble ne pas pouvoir atteindre. La PPI (programmation pluriannuelle d’investissement) prévoit un objectif de puissance installée en éolien à l’horizon 2020 de 19 GW. Pour l’atteindre il faudrait installer 1,551 GW par an soit plus de 500 machines par an, alors que la capacité installée a été de 928 GW en 2011, 821 en 2012 et 630 en 2013 RTE

[12Le facteur de charge est le rapport entre l’électricité effectivement produite durant l’année par une installation et le potentiel de production si elle produisait toute l’année à sa capacité nominale. Dans la production électrique intermittente telles que l’éolien ou le solaire, ce facteur de charge est limité par le nombre d’heures de vent suffisamment fort ou le nombre d’heures d’ensoleillement dans l’année. En moyenne ce facteur de charge est donné pour environ 20 à 25 % pour l’éolien à terre, 35 % pour l’éolien en mer, 10 à 15 % pour le PV RTE. Il semblerait toutefois que ces facteurs de charge régionaux soient fournis dans les documents complémentaires.

[13Noter que l’attention aux facteurs de charge par région semble pouvoir être satisfaite dans le document complémentaire [EolienPV] évoqué p. 16

[14Note SLC, p. 6, La consommation électrique

[15LCOE est l’acronyme anglais de "Levelized Cost of Energy", signifiant "coût complet de production de l’électricité".

[16Les meilleurs sites sont déjà équipés.

[17Note SLC, p. 2 et 3

[18Il faut ajouter en outre que 101 €/MWh pour le coût de production des centrales PV au sol en 2050 est conservateur. C’est le coût de certaines installations qui viennent ou vont démarrer ! Pour l’appel d’offre CRE3 automne 2015 dont les centrales sortiront fin 2016 on est entre 80-90€/MWh.

[19Là également les chiffres de l’ADEME ne semblent pas excessifs dans la mesure où pour les installations sur grandes toitures, on est déjà à 150 €/MWh ! On peut donc raisonnablement anticiper une poursuite de la baisse des coûts d’ici 2050.

[20Note SLC, p. 3 et 4

[21Note SLC, p. 5

[22Les coûts estimés par l’ADEME de 450 M€/an (p. 24) ignorent les coût de rénovation thermique des bâtiments pour les amener aux normes de la TR 2012.

[23EnR : énergie renouvelable. En l’occurrence, il s’agit des filières de production renouvelable d’électricité.

[24Étude sur le potentiel du stockage d’énergies de 2013 (Etude PPS) évalue les besoins de stockage à l’horizon 2030 sous trois scénarios de part croissante des EnR. Elle constate que « Au vu des scénarios 2030 étudiés, les besoins de flexibilité pour des usages électriques ne sont pas considérablement renforcés par rapport à la situation actuelle, la production PV coïncidant avec les périodes de forte demande électrique. De ce point de vue, le système électrique français apparaît avoir une bonne résilience à une introduction conséquente d’énergies renouvelables (jusqu’à 46 GW d’éolien et 33 GW de solaire dans le scénario ADEME étudié) : celle-ci n’induit pas de surcoût supplémentaire important lié au besoin de flexibilité1. Ce constat serait vraisemblablement très différent pour des scénarios de mix énergétique avec une part de production intermittente plus importante, comme cela devrait être le cas pour des horizons de temps plus éloignés, ou pour un déploiement massif de PV en Europe sans déploiement de stockage associé. » Et elle recommande que, « à court terme, non pas la mise en place massive de stockage électrique, mais de favoriser des projets de R&D amont ou de démonstration visant à développer les solutions de stockage stationnaire d’électricité susceptibles de permettre, après 2030, l’augmentation de la part des EnR dans le mix de façon compétitive. »

[25Note SLC, p. 4

[26Note SLC, p. 5

[27Il ne l’est pas forcément au plan européen

[28Note SLC, p. 6

Messages

  • Merci pour cette belle étude. Au pifomètre, je me dis que l’urgence est de réduire nos émissions de GES, fort et vite. Cela demande de lourds investissements dans les secteurs d’activité qui utilisent du pétrole et du gaz (bâtiments, transports, industrie). Avons-nous la capacité d’effectuer ces investissements et en même temps d’investir (lourdement également) dans les électricités renouvelables (production, transport, stockage) ? Alors que la production d’électricité ne représente qu’un peu plus de 10% de nos émissions de CO2.
    A long terme, les électricités renouvelables seront certainement nécessaires. Faut-il les développer rapidement en France ? Cela me semble peu probable.

    • Ta question est essentielle, Cher Paul. Elle est bien de celle qu’il convient de documenter davantage. The Shift Project, parmi d’autres think-tank, s’y attache à juste titre. C’est pourquoi, prolonger l’étude ADEME demande à la fois une discussion contradictoire de tous les chiffres et des hypothèses pour lesquels les références complémentaires doivent être rendues publiques, et en même temps un analyse serrée des besoins échéancés de financement des divers scénarios.
      Voilà du travail pour quelques économistes-énergéticiens-prospectivistes pendant quelques mois. Un effet bénéfique de la croissance verte en terme d’emploi !

  • Je voudrais réagir et affirmer le besoin incontournable, face à un tel défi, de conduire une évaluation multi-critères des risques et impacts liés au développement étudié. J’ai beaucoup travaillé sur les évaluations environnementales et sociales de plans, programmes et politiques de développement. De plus, de par mon parcours, en tant qu’acteur (ARES dans ses années de gloire) comme en tant que citoyen, affligé par le développement actuel, anarchique, complexifié ad infinitum et, pour tout dire, contre-productif, du solaire et de l’éolien en France. J’ai donc de fermes convictions sur le "way forward", mais ne peux les diffuser seul dans mon Mas catalan à 1.000 km des vrais centres décisionnels français et européens.

    Voir en ligne : http://www.cyberoustal.eu

  • « Une discussion détaillée des estimations d’évolution des coûts à 2050 est faite par SLC [17] dont il faut souligner toutefois que sa note est muette sur les références de prix [18] . Les écarts les plus importants concernent :

    le photovoltaïque sur toiture, 150 €/MWh pour SLC contre 85 €/MWh dans l’étude, [19]
    le photovoltaïque sur sol, 101 €/MWh contre 60,
    l’éolien en mer, 150 €/MWh contre 80. »

    Prévision pour le prix en 2050 !!!

    Aujourd’hui (fin 2017) on voit bien que les pro-nucléaires (SFEN/SLC) avaient tort. Le coût du MWh PV solaire au sol de plus de 5MW est de 62,5€ et 68,1 sous 5MW.

    c’est donc pas bien cher !

    Il faut ajouter que nos gouvernements font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher la création de centrales PV au sol (et toiture).
    On sait pourquoi, cela fait concurrence au nucléaire qui s’effondre pour cause de danger incommensurable et de coût prohibitif.

    Il est donc de fait impossible de faire une politique énergétique honnête en France, et cela, depuis plus 50 ans.

    Il en est de même concernant les mesures d’économie d’énergie, à peu près rien n’est fait relativement aux possibles.

  • Jean-Marc Jancovici a mis en ligne le 6 novembre 2017 une estimation en ordre de grandeur du coût que représenterait un passage à 100 % d’électricité renouvelable. Son étude porte sur la génération électrique en France qui est, dès à présent, très peu carbonée (une des moins carbonée du monde) et qui doit le rester pour respecter les engagements de la France au titre de l’Accord de Paris de 2015 sur la lutte contre les changements climatiques. Le débat public en France fait rage autour d’un autre objectif qui serait, en outre, de sortir plus ou moins complètement et rapidement de l’exploitation de l’énergie nucléaire (voire encore récemment les déclarations de Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire).
    L’étude de Jean-Marc examine les conséquences financières et économiques de l’alternative entre une production d’électricité à 100 % nucléaire (ce qui est presque le cas actuel en France) et un production par l’énergie éolienne ou solaire photovoltaïque (ce qui serait une substitution).
    Son étude prend en compte les obligations d’investissement en renforcement du réseau de de transport d’électricité, de moyens de stockage et même de capacité de production qu’impliquerait une génération électrique à partir de productions intermittentes non pilotables.
    Transparent sur l’ensemble de ses hypothèses et pédagogue dans ses explications, son étude est nécessairement un peu longue. Elle mérite pleinement une lecture attentive.
    Sa conclusion varie selon des hypothèses plus ou moins favorables aux productions intermittentes ou au nucléaire. Le prix de l’électricité (le coût global pour le système électrique se traduit bien in fine par un prix de l’électricité que celui-ci soit payé par les consommateurs ou les contribuables) serait, selon des calculs simples et des hypothèses explicites et facilement discutables, de 2 à 20 fois plus élevé pour un système 100 % renouvelable que pour un système 100 % nucléaire, et en hypothèse centrale entre 6 et 12 fois le prix actuel de l’électricité.
    Les Français sont-ils prêts à dépenser cet argent, au détriment d’autres choix et sans aucun bénéfice pour la limitation des changements climatiques ? Sont-ils prêts à laisser investir plusieurs fois le PIB annuel de notre pays pour cet objectif ? A défaut, la politique qui consiste à fermer un peu de nucléaire mais de garder des centrales a-t-elle un sens en terme de sécurité et d’économie ?

    Voir en ligne : Jean-Marc Jancovici — 100% renouvelable pour pas plus cher, fastoche ?

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